Contexte
À Paris, s’est tenue une conférence au soutien à la paix en région des grands-lac en fin octobre dernier. Cet événement diplomatique de haut niveau a réuni plusieurs chefs d’État, représentants d’organisations internationales et acteurs de la société civile afin de réfléchir à des solutions durables pour apaiser les tensions persistantes dans la région. Le président français, Emmanuel Macron, y a annoncé un engagement renforcé de la France pour contribuer à la stabilisation des grands-lac et de l’est de la République démocratique du Congo, rappelant l’urgence humanitaire et sécuritaire qui touche des millions de civils.
Quelques jours après cette conférence, une image a été partagée sur Facebook montrant 8 militaires accompagnés d’une légende affirmant qu’il s’agit de soldats français présents à Goma en novembre 2025. Cette publication, relayée, a suscité de nombreuses réactions et interrogations en raison du contexte particulièrement sensible dans l’est de la RDC, où prolifèrent rumeurs et fausses informations liées aux opérations militaires.
Pour vérifier l’authenticité de l’image, Eleza Fact a mené une recherche inversée via Google Lens et Tineye. L’analyse a révélé que la photo remonte à plus de 12 ans et qu’elle est issue d’archives liées aux opérations militaires américaines en Afghanistan, démontrant qu’elle n’a aucun rapport avec la présence française dans la région des grands-lac ni avec les événements récents.
Légende et image
L’image a été partagée par Déborah Ngumbi le 07 novembre dernier dans le groupe Facebook FARDC EN GUERRE 2025. Ce groupe, qui rassemble plus de 2100 membres, publie régulièrement des contenus très variés.
« Des soldats français à Goma », déclare la légende associée à l’image.
La formulation directe de cette affirmation a contribué à alimenter le doute chez certains utilisateurs, notamment dans un contexte où les tensions sécuritaires sont au cœur des débats publics.
Les commentaires sous cette publication restent perplexes et semblent douter de la rumeur. C’est le cas d’un internaute qui demande : « Pour faire quoi ? Fake news » (sans modification ni correction du texte).
Une image prise en 2013 en Afghanistan
La recherche inversée effectuée dans Google Lens par Eleza Fact a révélé plusieurs correspondances datant de 2013, confirmant que l’image n’a aucun lien avec les récents événements en RDC.
La première correspondance provient d’une série d’images publiée par le média britannique Reuters (archivé ici). D’après la légende associée par Reuters, l’image a été prise alors que l’armée américaine contrôlait une explosion lors d'une mission près du poste de commandement AJK (abréviation d'Azim-Jan-Kariz, un village voisin) dans le district de Maiwand, province de Kandahar, en Afghanistan le 30 janvier 2013. Elle occupe la 9ᵉ place dans la série d’images et a été capturée par Andrew Burton, photojournaliste et réalisateur cinéma reconnu pour son travail sur les zones de conflit.
La seconde correspondance provient d’un article publié le 02 avril 2014 par le média 24heures.ch (archivé ici). Ce dernier utilise l’image à titre d’illustration et précise également qu’elle montre des militaires américains en Afghanistan. Dans cet article, 24heures.ch expliquait que mars 2014 avait marqué une étape importante dans la guerre en Afghanistan, puisqu’il s’agissait du premier mois en près de 12 ans sans décès de soldats américains en combat, un signe de désescalade progressive.
L’image apparaît aussi dans un article du média portugais Sicnoticias, daté du 24 avril 2017 (archivé ici). L’article y évoque la démission du ministre afghan de la Défense et du chef d'état-major à la suite d’une attaque des talibans contre une base militaire, indiquant que les violences s’étaient accentuées depuis la fin de la mission de l’OTAN en 2015. L’image, à nouveau utilisée comme photo d’illustration, accompagne un récit sur la fragilité de la sécurité dans le pays.
Enfin, Eleza Fact a lancé une autre recherche via Tineye, et l’outil a indiqué que l’image a été indexée pour la première fois le 14 octobre 2014. D’autres sites ont également été retrouvés grâce à cet outil, dont le média russe NTV (archivé ici) et le média canadien Québec Huffingtonpost (archivé ici), attestant que la photo circule depuis longtemps dans des contextes qui n’ont aucun rapport avec la RDC.
Incident survenu le 11 décembre 2015 au Burundi
Lors de la conférence internationale tenue à Paris le 30 octobre 2025, Macron a annoncé la mobilisation de 1,5 milliard d’euros d’aide humanitaire destinée aux populations vulnérables de l’Est de la RDC, notamment celles des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, afin de renforcer la distribution de nourriture, de médicaments, d’assistance d’urgence et de soutenir les efforts de reconstruction sociale après des années de conflit.
Il a également promis d’ouvrir des couloirs humanitaires sécurisés et de rouvrir l’aéroport de Goma aux vols humanitaires, une mesure destinée à fluidifier l’acheminement de l’aide et à améliorer la capacité de réponse aux crises sur le terrain. Le président a souligné que ces actions se feraient dans le strict respect de la souveraineté congolaise, un point essentiel pour éviter toute interprétation d’ingérence militaire.
Enfin, Macron a renouvelé le soutien de la France à une solution politique durable — par le dialogue, la justice et la protection des civils, en affirmant une nouvelle fois l’importance de la diplomatie pour mettre fin aux violences récurrentes. Il a rappelé que la stabilité de la région dépend avant tout d’un engagement politique fort et d’un soutien international coordonné.
Ces promesses, essentiellement humanitaires, diplomatiques et politiques, montrent que l’engagement de la France se concentre sur l’aide aux populations, la relance humanitaire et la paix, et non sur un déploiement militaire étranger en RDC.
Conclusion
La fausse information circulant sur les réseaux sociaux alléguant la présence de soldats français à Goma en novembre 2025 repose sur l’utilisation d’une image ancienne, prise en Afghanistan en 2013. Grâce à plusieurs vérifications croisées, il est établi que cette photo n’a aucun lien avec la situation en RDC, ni avec les récents engagements de la France, qui se limitent au soutien humanitaire, politique et diplomatique. Cette affaire rappelle l’importance de la vérification systématique des images et des affirmations avant leur diffusion, particulièrement dans un contexte de tensions élevées où les fausses informations peuvent rapidement exacerber les inquiétudes.
