Contexte
Célébrée durant tout le mois d’octobre, la campagne Octobre Rose, lancée en 1992 aux États-Unis par la fondation Susan G. Komen for the Cure, est dédiée à la sensibilisation et à la lutte contre le cancer du sein. En République démocratique du Congo, cette initiative a pris de l’ampleur au cours de la dernière décennie grâce à l’implication du Ministère de la Santé, des ONG et des associations de femmes. Chaque année, des actions de sensibilisation, des dépistages gratuits et des marches symboliques sont organisés afin de briser le tabou entourant le cancer du sein et d’encourager le diagnostic précoce. Cependant, un mythe persistant circule autour de cette campagne : il prétend que pour lutter contre le cancer du sein, les femmes devraient se faire sucer les seins par leur partenaire.
Or, après vérification auprès d’experts et de spécialistes en cancérologie, il s’avère qu’aucune donnée scientifique ne prouve ces allégations.
Mythe
On retrouve ce type de déclaration sur plusieurs plateformes, notamment sur Facebook et X (ex-Twitter). Sur Facebook, par exemple, une publication de l’utilisateur Romuald Aro illustre ce mythe : il y partage une image liée à la campagne Octobre Rose, accompagnée de la légende suivante : « Octobre Rose. Je ne veux pas trop écrire… Je suis volontaire pour lutter contre le cancer du sein. Je me porte volontaire pour aider dix femmes volontaires aussi pour le dépistage par un moyen efficace et important : sucer les seins. Vous me rejoignez pour faire parler votre compétence ? Luttons tous contre le cancer du sein ! »
Avis médical
Pour commencer, Eleza Fact est entré en contact avec le Docteur Minos Minani Ndabahweje, spécialiste en médecine interne, médecin à l’hôpital tertiaire Heal Africa de Goma, ainsi qu’enseignant et chercheur à la faculté de médecine de l’Université de Goma. Celui-ci a répondu en ces termes : “Le fait pour un partenaire de sucer les seins d’une femme n’a aucun effet préventif ou curatif contre le cancer du sein. Il n’existe aucune preuve scientifique ni aucune étude médicale sérieuse établissant un lien entre cette pratique et la réduction du risque de cancer. Le cancer du sein est une maladie complexe, influencée par plusieurs facteurs tels que : les antécédents familiaux et génétiques (mutations BRCA1 et BRCA2, par exemple) ; les variations hormonales ; l’âge ; le mode de vie (alimentation, consommation d’alcool, tabac, activité physique, etc.).”
Par ailleurs, le Dr Minani est également revenu sur la question de l’auto-palpation mammaire, en précisant qu’elle doit être comprise comme une méthode de vigilance personnelle, mais qu’elle ne remplace pas le dépistage médical : “L’auto-palpation mammaire est recommandée comme méthode de vigilance personnelle, mais il est important de bien comprendre son rôle : elle ne permet pas de ‘lutter’ directement contre le cancer du sein, mais elle aide à le détecter plus tôt. Concrètement, l’auto-examen des seins permet à chaque femme de mieux connaître la forme, la texture et la sensibilité de sa poitrine, afin de repérer toute nouvelle anomalie (boule, écoulement, rétraction du mamelon, changement de couleur ou de texture de la peau, etc.). Cette détection précoce augmente considérablement les chances de traitement efficace si un cancer est diagnostiqué. Cependant, il faut préciser que l’auto-palpation ne remplace pas le dépistage médical. Les examens comme la mammographie, l’échographie mammaire ou la consultation chez un professionnel de santé restent indispensables, surtout à partir de 40 ans ou en cas d’antécédents familiaux.”
Enfin, le médecin recommande de privilégier le dépistage précoce (auto-examen des seins, mammographie à partir d’un certain âge), la consultation médicale régulière, ainsi qu’un mode de vie sain et équilibré comme véritables moyens de lutte contre le cancer du sein.
Des experts démentent le mythe liant la succion des seins à la lutte contre le cancer du sein
Une expertise médicale nigériane (archivé ici) publiée par Punch en 2024 par un collectif d’oncologues a rappelé avec insistance qu’il n’existe aucune preuve scientifique établissant un lien entre la succion des seins par un partenaire masculin et la prévention du cancer du sein. Selon ces spécialistes, cette croyance relève d’une interprétation erronée et n’a aucun fondement biologique ni médical. Le cancer du sein, rappellent-ils, est une maladie multifactorielle influencée par des éléments tels que la génétique, les hormones, l’âge, l’alimentation ou encore le mode de vie.
Les experts soulignent également que cette fausse idée pourrait induire un dangereux sentiment de sécurité au sein des couples, poussant certaines femmes à négliger les véritables moyens de prévention. Ils recommandent ainsi de miser sur des examens médicaux réguliers, notamment la mammographie et l’auto-examen mammaire, associés à une hygiène de vie saine comprenant une alimentation équilibrée, la réduction de la consommation d’alcool et de tabac, ainsi que la pratique régulière d’une activité physique.
Lutter efficacement contre le cancer du sein , les méthodes reconnues par la science
Pour lutter efficacement contre le cancer du sein, les spécialistes rappellent que les stratégies les plus fiables reposent sur trois piliers complémentaires : la prévention, le dépistage précoce et les traitements adaptés. Contrairement aux mythes circulant sur les réseaux sociaux, seule une approche fondée sur la science permet de réduire réellement les risques et d’améliorer les chances de guérison.
Prévention : adopter un mode de vie sain
La prévention passe avant tout par des habitudes de vie saines. Selon les oncologues, certaines pratiques simples peuvent contribuer à réduire le risque de développer un cancer du sein :
Limiter la consommation d’alcool : même de petites quantités augmentent le risque. Il est conseillé de ne pas dépasser un verre par jour, voire de s’en abstenir complètement.
Éviter le tabac, particulièrement chez les femmes avant la ménopause, car il favorise les déséquilibres hormonaux et accroît le risque de cancer.
Maintenir un poids de forme : le surpoids et l’obésité augmentent les risques, notamment après la ménopause, en raison d’une production accrue d’œstrogènes par le tissu graisseux.
Pratiquer une activité physique régulière, au moins 2h30 par semaine. L’exercice aide à réguler le poids, à renforcer le système immunitaire et à améliorer la santé hormonale.
Adopter une alimentation équilibrée et variée, inspirée du modèle méditerranéen : riche en fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes et huile d’olive.
Favoriser l’allaitement maternel, qui offre une protection scientifiquement reconnue contre le cancer du sein grâce à la régulation hormonale qu’il induit.
Dépistage et surveillance médicale : détecter tôt pour mieux guérir
Le dépistage régulier joue un rôle crucial dans la lutte contre le cancer du sein. Plus la maladie est détectée tôt, plus les traitements sont efficaces et les chances de guérison élevées. Les recommandations médicales prévoient plusieurs approches :
La mammographie demeure l’examen de référence pour le dépistage. Elle doit être réalisée à intervalles réguliers (en général tous les deux ans, selon les recommandations locales et l’âge de la patiente).
Les femmes à haut risque, notamment celles porteuses de mutations génétiques (BRCA1 ou BRCA2) ou présentant des antécédents familiaux, peuvent bénéficier d’un suivi personnalisé incluant des examens plus poussés comme l’IRM mammaire.
Un suivi médical régulier est essentiel : un examen clinique des seins par un professionnel de santé permet de repérer toute anomalie et de compléter les examens d’imagerie.
Dans certains cas spécifiques, les spécialistes peuvent recommander des traitements préventifs, tels que la chimioprévention (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase), pour les femmes présentant un risque particulièrement élevé.
Ces mesures de prévention ne garantissent pas une protection absolue, mais elles réduisent considérablement le risque de développer la maladie et améliorent la santé globale.
Conclusion
Aucune preuve scientifique n’atteste que la succion des seins par un partenaire constitue une méthode de prévention du cancer du sein chez la femme. Après vérification auprès d’experts en médecine interne et en oncologie, Eleza Fact n’a trouvé aucune source scientifique crédible soutenant cette affirmation. Les véritables moyens de lutte contre le cancer du sein reposent sur le dépistage précoce (auto-examen des seins, mammographie à partir d’un certain âge), la consultation médicale régulière, ainsi qu’un mode de vie sain et équilibré.
Il est donc essentiel de faire preuve de prudence dans la diffusion des informations liées à la santé. Ce type de déclaration peut non seulement induire le public en erreur, mais aussi donner aux couples un faux sentiment de sécurité, amenant certaines femmes à négliger les véritables stratégies de prévention et de dépistage recommandées par la médecine.
