Contexte
Alors que plusieurs régions de l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) restent sous occupation de l'AFC/M23, une vidéo largement partagée sur Facebook le 27 mars montre des militaires en train de fouetter des civils en plein jour. La publication suggère que ces violences se déroulent actuellement en RDC, en lien avec la crise sécuritaire dans l'est du pays. Toutefois, une vérification par recherche inversée via Google Images révèle que la vidéo a été sortie de son contexte et ne correspond pas à la situation actuelle dans la région.
La vidéo et sa légende
La séquence, diffusée par Didier Bitaki sur sa page Facebook, montre des hommes en tenue militaire infligeant des coups de fouet à des civils. La légende accompagnant la vidéo exprime une vive indignation.
« Cette vidéo semble bien l'indiquer franchement. Personne ne nous libérera de l'extérieur. Une tragédie se déroule sous les yeux du monde entier et personne ne réagit avec fermeté. Imaginez, le fait pour les congolais d'être traités comme un esclave dans son propre Pays de cette manière et le monde se tais. Pour le peuple congolais, les droits humains semblent toujours exiger des « preuves » des crimes allégués alors que la technologie est capable de tout montrer sans effort physique humain. Même après 15 millions de morts et plus de 10 millions de déplacés, le monde entier reste silencieux à la souffrance qu'endure ce peuple qui n'a commis de crime que d'être né congolais, refusant de condamner les auteurs de ces traitements cruels en l'égard des civils ayant les mêmes droits que tous au terme de la déclaration universelle de droit de l'homme et la Charte constitutive de l'Union africaine. Ça suffit. Il est temps de se lever, de retrouver notre dignité et de lutter pour notre avenir collectif. Cette vidéo illustre tout et il faut que ça s'arrête maintenant. Paul Kagame n'est pas un Dieu sur terre pour être craint et adoré par tous », déclare la légende accompagnant la vidéo.
Le 28 mars, la publication avait déjà recueilli plus de 300 réactions, 500 partages et environ 90 commentaires. Plusieurs internautes ont cependant remis en question l'authenticité et le contexte de la vidéo. « Fausses images, pas au Congo », peut-on lire parmi les réactions.
Une vidéo filmée en Ouganda
Dans sa démarche de vérification, Eleza Fact a utilisé l'outil Google Images pour analyser différentes captures extraites de la vidéo. Cette recherche visuelle renvoie directement au compte X du média NBS TV, qui avait publié la vidéo (archivé ici) le 26 septembre 2018. La légende accompagnant ce court extrait évoque les explications du Colonel Charles Okello Engola devant le Comité de défense. Commentant la brutalité des soldats, ce haut responsable de l'UPDF (Ugandan People's Defence Force) a déclaré que les hommes en uniforme visibles dans la vidéo provenaient en réalité d'Afrique de l'Ouest, et non de l'armée ougandaise.
La même vidéo a été retrouvée dans une publication datée du 21 septembre 2018, sur la page Facebook du média local Kampala Dispatch (archivé ici). Cette publication affirme qu'il s'agit bien de militaires ougandais brutalisant des civils identifiés comme partisans de Bobi Wine, à Kasangati et sur la route « Entebbe Rod », en Ouganda.
La vidéo circule également dans d'autres publications de journalistes ougandais, datant de la même année. C'est notamment le cas de Canary Mugume, journaliste d'investigation à NBS TV et membre du programme Leo Africa Young Emerging Leaders. Dans une publication Facebook du 21 septembre 2018, il exprime sa consternation face aux violences perpétrées par l'armée contre des civils désarmés.
Par ailleurs, Eleza Fact a attiré l'attention sur certains éléments visibles dans les images. À la 15ᵉ minute de la vidéo, où on aperçoit des militaires fouettant des civils devant des boutiques affichant l'enseigne « MTN Mobile Money ». Il convient de rappeler que MTN est une entreprise de télécommunications qui œuvre en Ouganda, et pas en RDC.
En plus, aucun média crédible international que national n'a fait d'un tel incident ayant survenu en RDC.
Bref,
Eleza Fact a vérifié une vidéo prétendant montrer des hommes armés brutalisant des civils en République Démocratique du Congo. Après enquête, il s'avère que cette séquence n'a aucun lien avec la situation actuelle en RDC. Des recherches approfondies, notamment le retour sur une publication de NBS TV, ont permis d'établir que la vidéo date en réalité de 2018 en Ouganda, et non de 2025 en RDC.
Ce cas illustre une fois de plus l'importance de vérifier toute information avant de la relayer. Les vidéos sorties de leur contexte sont des outils puissants de désinformation. Dans un pays comme la RDC, où les tensions sont vives, de telles rumeurs peuvent attiser la haine et semer la peur au sein de la population.
Edité par Joël ALIMASI