Contexte
Depuis le 10 juillet dernier, une vidéo ancienne montrant une rivière teintée de rouge a refait surface sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube et TikTok. La légende accompagnant cette vidéo prétend que la rivière se situe à l'est de la République Démocratique du Congo, à la frontière avec le Rwanda, et qu'elle a été miraculeusement transformée en sang en raison des plus de 12 millions de Congolais morts à cause du conflit qui ravage la région. Pourtant, les recherches grâce à l'outil de vérification d'images Google Reverse image démontrent que cette vidéo a été sortie de son contexte.
La vidéo et son narratif
Eleza Fact dans ses investigations retrouve la vidéo sur le compte TikTok Jeudi287 publiée ce 10 juillet et la narration ajoutée à la vidéo déclare : « Bonsoir les amis, je vous dis le monde touche à sa fin, malgré le coronavirus, cet événement se déroule entre la frontière de la RDC et le Rwanda. Les rwandais ont tué plus de 12 millions de congolais mais la colère de Dieu s'est réveillée, Dieu a transformé leur rivière en sang pour les montrer qu'il va bientôt agir. Le peuple zaïrois est le peuple de Dieu, Dieu est de notre côté et est venu combattre les rwandais et les américains qui nous tuent aujourd'hui » (Traduit de Lingala).
Le compte a 6018 abonnés et elle a accumulé 647 vues, 285 mentions j'aime, 18 commentaires et 4 partages ce 30 août à 20h48, heure de Goma.
Plusieurs réactions sont observées en commentaire où certains internautes doutent de l'information, d'autres y croient et manifestent leur joie en envoyant des émojis exprimant la joie. « Mon Dieu ! Est-ce que l'information est vraie ? », demande Sandra Rehema.
Capture d'écran du commentaire sur la publication TikTok
Par ailleurs, la même vidéo est partagée sur le compte Youtube Messi ce 28 août.
La vidéo a déjà été utilisée hors contexte plusieurs fois depuis son apparition, comme vous pouvez le remarquer ici en 2017, ici et ici en 2020.
Une vidéo datant du 17 juillet 2017 à la rivière Nsukwao au Ghana
Nous avons capturé des séquences spécifiques de la vidéo et les avons soumises à une recherche inversée d'images sur Google. Les résultats indiquent que la vidéo a été publiée en octobre 2017, dans la région de New Juaben à Koforidua, au Ghana. Un article publié le 9 octobre 2017 par le média Ghana Web (lien archive) rapporte que la police régionale a informé les médias qu'un fabricant avait déversé une poudre de teinture dans la rivière. Les autorités locales ont précisé que l'incident n'était pas un miracle divin, mais plutôt un acte criminel.
Un autre article publié par Primenews Ghana (lien archive) précise également que l'incident s'est produit à New Juaben, dans la rivière Nsukwao, près de l'école King of King. Vers 8 heures du matin, la rivière avait été teintée de rouge.
D'autres médias fiables sont revenus sur la même information.
La rivière Ruzizi à la frontière Rwando-congolaise dans le Sud-Kivu
Dans le cadre de notre recherche, en utilisant les mots-clés "Rivière transformée en sang entre le Rwanda et la RDC", nous n'avons trouvé aucune information officielle corroborant un tel incident.
La région du Nord-Kivu se révèle être la plus affectée par le conflit entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Il est à noter qu'aucun cours d'eau ne franchit la frontière rwando-congolaise dans cette zone.
La rivière Ruzizi constitue l'unique cours d'eau reliant les deux pays. Elle prend sa source dans le lac Kivu, à proximité de la ville de Bukavu, et dirige ses eaux vers le lac Tanganyika, en traversant les frontières rwando-congolaise et burundo-congolaise.
Conclusion
Cette vidéo, prise en octobre 2017 dans la région de New Juaben au Ghana, illustre une rivière teintée en rouge en raison du déversement de poudres de teinture issues d'une industrie chimique dans la rivière Nsukwao. Aucun incident comparable n'a été signalé dans les rivières situées le long de la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo. La vérification de cette information permet de confirmer l'origine et l'authenticité de la vidéo, tout en éclairant les enjeux liés et en prévenant tout malentendu.
Edité par Daniel Makeke