Contexte
Dans le but de favoriser la paix dans l’est de la République démocratique du Congo, les États-Unis ont intensifié leur engagement (archivé ici) diplomatique en facilitant le dialogue entre la RDC et les autres parties prenantes. Le 25 avril dernier, sous la médiation du secrétaire d'État américain Marco Rubio, les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda ont signé à Washington une « déclaration de principes (archivé ici) » visant à établir un cadre pour un futur accord de paix. La médiation américaine s'inscrit dans une volonté de désescalade des tensions régionales et de stabilisation de l'est de la RDC, une région riche en ressources, mais en proie à des conflits persistants depuis des décennies.
La participation américaine dans la quête de paix dans cette région a été source de plusieurs spéculations et rumeurs sur les réseaux sociaux. Ce 28 avril, une image montrant des militaires, identifiés comme américains, a été partagée sur le réseau social X et Facebook, avec une légende affirmant que l’image montre des militaires américains déployés à l’est de la RDC, en particulier à Walikale et Goma. Ayant contacté l’ambassade des États-Unis à Kinshasa et la présidence de la RDC, et ayant analysé l’image avec les outils de détection des deepfake Was It AI, Is It AI et Sightengine, les vérifications d’Eleza Fact ont résulté que la rumeur est sans fondement crédible et l’image est le fruit d’une intelligence artificielle.
Détails de l’infox
L’image a été postée le 28 avril dernier, sur le compte X certifié de Kivu News 24, suivi actuellement par plus de 20000 abonnés. L’image montre des soldats debout devant un hélicoptère. On peut voir le drapeau de la RDC à gauche de l’hélicoptère et celui des États-Unis à droite. La légende en anglais indique : « VERY URGENT. Blackwater is already present in eastern DRC. A first team has been deployed to Walikale to protect the Canadian company Alpha Mines. Another team is present in the Goma region. According to Kinshasa media outlets: “Kisangani Airport will remain their gateway” », traduit en français par : « TRÈS URGENT. Blackwater est déjà présent dans l'est de la RDC. Une première équipe a été déployée à Walikale pour protéger la société canadienne Alpha Mines. Une autre équipe est présente dans la région de Goma. Selon les médias kinois : « L'aéroport de Kisangani restera leur point d'entrée. »
Le post a cumulé plus de 11000 vues, plus de 10 reposts et citations et plus de 10 commentaires, données récoltées ce 10 mai par Eleza Fact.
En commentaire, plusieurs internautes croient à l’information, certains même sont contents d’apprendre cette nouvelle, tandis que d’autres ne le sont pas.
Cette même information a été partagée par d’autres utilisateurs. Il s’agit de Doudou Manono sur Facebook, DRC News Today sur X et État de Droit dans le groupe Facebook Radio Okapi.
Les États-Unis et Kinshasa démentent cette rumeur
Pour vérifier la véracité de cette information, Eleza Fact a pris contact avec Monica Shie, conseillère en communication au sein de l’ambassade des États-Unis à Kinshasa. Celle-ci a confirmé que cette nouvelle est fausse. « Non ! », répond-elle brièvement à la question de savoir si le gouvernement américain a déployé un contingent à Walikale et Goma.
Ensuite, nous avons essayé de contacter le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, qui jusque-là n’a fait aucune suite à notre requête. À l’instant où ce dernier nous revient, cet article sera mis à jour.
Par ailleurs, nous avons contacté Tina Salama, chargée de communication de la présidence de la RDC, qui a à son tour précisé que l’affirmation est fausse. « Faux », a-t-elle répondu.
Origine de l’image
En observant attentivement l’image, nous avons remarqué qu’elle présente plusieurs signes clairs d’une génération par intelligence artificielle : les visages sont très similaires, certains floutés artificiellement, et les proportions corporelles, notamment des mains et des bras, sont légèrement déformées. Les gilets pare-balles et les uniformes semblent fusionnés avec les corps, manquant de réalisme dans les textures et les ombres. Les drapeaux sont trop nets et statiques, avec un rendu irréaliste. L’hélicoptère en arrière-plan manque de détails et d’intégration naturelle avec la scène. Enfin, l’éclairage uniforme et la profondeur de champ trop parfaite renforcent l’aspect synthétique de l’image, typique des productions générées par IA.
Pour corroborer ces observations, nous avons utilisé trois différents outils de vérification d’images générées par l’intelligence artificielle, les résultats obtenus par ces derniers, prouvent en réalité que l’image est le fruit de l’IA.
Premièrement, après l’analyse via l’outil Was It AI, les résultats précisent : « Nous sommes convaincus que cette image, ou une partie importante de celle-ci, a été créée par l’IA ! ».
Résultats de l’analyse de l’image via l’outil Was It AI, capturés par Eleza Fact
Enfin, les outils Sightengine et Is It AI donnent un score de 99% de probabilité que cette image soit le fruit d’une intelligence artificielle.
Résultats de l’analyse de l’image via les outils Sightengine et Is It AI, capturés par Eleza Fact
Position des États-Unis dans le conflit à l’est de la RDC
Des rumeurs sur l’implication plus directe des États-Unis dans le conflit à l’est de la RDC circulent sur les réseaux sociaux, mais elles manquent de preuves concrètes. Aucun média international, local ou source crédible d’information du gouvernement américain n’a fait état d’une implication militaire américaine dans le conflit à l’est de la RDC.
Depuis avril 2025, les États-Unis ont intensifié leur implication diplomatique dans le conflit à l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Le conseiller principal pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené une tournée régionale (archivé ici) en RDC, au Rwanda, au Kenya et en Ouganda, visant à promouvoir la paix et à encourager les investissements américains dans la région. Une rencontre à Washington, sous l'égide du secrétaire d'État américain Marco Rubio, a réuni les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda pour relancer le dialogue entre les deux pays.
Par ailleurs, la RDC a suspendu ses contrats de lobbying (archivé ici) avec des firmes américaines pour privilégier une diplomatie directe avec l'administration Trump. Cette décision s'inscrit dans une stratégie visant à renforcer les relations bilatérales et à établir un partenariat stratégique axé sur les ressources minières congolaises en échange d'un soutien à la sécurité. Un accord de paix, fondé sur une "Déclaration de principes" (archivé ici) signée le 25 avril, est en cours de négociation, incluant la reconnaissance des deux parties concernées de leur préoccupation de sécurité légitime dans la région frontalière partagée, la reconnaissance de l’intérêt partagé à limiter la prolifération de groupes armés non étatiques au sein et à travers leurs frontières et l’abstention de fournir un soutien militaire d’État à des groupes armés non étatiques.
Conclusion
Eleza Fact a vérifié des affirmations sur la présence d’un contingent militaire américain à Walikale et Goma, et a découvert qu’il s’agit d’une rumeur infondée, démentie par l’ambassade des États-Unis à Kinshasa et la présidence de la RDC. L’image utilisée pour appuyer ces affirmations est à une probabilité de 99% d’avoir été générée par une intelligence artificielle. La diffusion d’informations non vérifiées et confirmées par des sources crédibles est dangereuse, surtout dans le contexte sécuritaire tendu où ces genres des rumeurs ont des conséquences graves sur la quête de la paix.
Edité par Daniel Makeke