Contexte
Certains coins de la ville de Kinshasa vivent dans une angoisse permanente depuis plusieurs semaines. Cette angoisse est due aux agissements répétés d'un groupe de jeunes délinquants communément appelés " kuluna", qui opèrent principalement la nuit. Ce 12 août, une vidéo montrant une démonstration policière a été publiée sur Facebook et Instagram avec des légendes identifier ces agents de la police comme étant de la Police Nationale Congolaise se préparant pour traquer les Kulunas à Kinshasa.
Après vérification avec l’outil Google Lens, Eleza Fact a toutefois découvert que cette vidéo n’a aucun lien avec la police congolaise. Elle a été filmée en Côte d’Ivoire, alors qu'une nouvelle unité rejoignait la Gendarmérie ivoirienne.
Source et légende de l’image
La vidéo a été publiée sur la page Facebook Ben Lukunyi. Cette page compte plus 42 milles followers et partage régulièrement du contenu varié sur la situation culturelle, économique, politique et sécuritaire de la RDC.
Dans la vidéo, nous remarquons un policier utiliser ses compétences en arts martiaux pour se défendre contre un civil. Des applaudissements retentissent de la foule.
« Félicitations les gars, pour nous les mains en poche, le téléphone qui s’envole, les 4000 fc qui disparaissent, c’est fini. Voilà cmnt un pays peut dire que je des éléments qui peuvent défendre la population », indique la légende associée à la vidéo.
La publication a fait plus de 260000 vues, plus de 3000 mentions “j’aimes”, plus de 200 commentaires et a été partagée plus de 100 fois sur Facebook.
Sur Instagram, la vidéo revient dans une publication faite sur le compte Actualité_67. Ici, la légende y associé confirme :« Preparation de force avec la police congolaise contre le kuluna », sans correction.
Elle est aimée par plus de 4000 personnes. En commentaire, les internautes réagissent en accord avec cette affirmation. « Bravo ! », réagissent certains internautes.
Intégration d’une nouvelle unité de la gendarmerie ivoirienne
L’analyse menée par Eleza Fact grâce à Google Lens a révélé une réalité très différente de celle avancée dans les publications circulant en ligne. Les correspondances obtenues via cet outil ont conduit vers un journal télévisé diffusé sur la chaîne YouTube du média ivoirien Nouvelle chaîne Ivoirienne (archivé ici). Cette vidéo, d’une durée de 4 minutes 25 secondes, présente en détail les exercices tactiques réalisés à l’occasion de la cérémonie d’attribution des attributs à la 22ᵉ promotion des commandos de la gendarmerie nationale ivoirienne. La cérémonie s’est tenue le 24 juillet dernier, et la vidéo a été mise en ligne dès le lendemain, soit le 25 juillet, confirmant un contexte officiel et parfaitement documenté.
La séquence faussement attribuée à la police congolaise apparaît très clairement à la 40ᵉ seconde de cette vidéo. On y distingue sans ambiguïté les mêmes scènes, avec les commandos ivoiriens en plein exercice tactique.
Ensuite, la chaîne ivoirienne 7info a repris la même séquence (archivé ici) et l’a diffusée à son tour sur YouTube, le 28 juillet dernier. Dans sa description, elle précise également que la vidéo documente les exercices tactiques de la gendarmerie nationale ivoirienne.
La vidéo, coupée cette fois à 2 minutes 29 secondes, a également été relayée par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI). Dans sa légende, la RTI souligne : « 499 nouveaux commandos de la gendarmerie nationale prêts à servir au sein de la 22ᵉ promotion ».
La gendarmerie nationale ivoirienne a elle-même confirmé les faits dans une publication officielle sur sa page Facebook (archivé ici). Elle y précise que la cérémonie concernait la remise d’attributs à 499 nouveaux gendarmes commandos, dont 24 officiers et 21 stagiaires féminins, intégrant ainsi l’élite de l’institution. L’événement, tenu le 24 juillet 2025 à la caserne d’Agban, a été présidé par le Ministre d’État, Ministre de la Défense, M. Téné Birahima Ouattara. Ce dernier a profité de l’occasion pour visiter la Section d’Analyse des Traces Technologiques (SATT), inaugurer l’unité chirurgicale du Centre Principal de Santé d’Agban, et remettre officiellement des clés de véhicules destinés à l’administration centrale, à la Gendarmerie Nationale et aux Armées. La publication a été accompagnée de plusieurs images tirées des vidéos déjà citées, renforçant la transparence et la véracité des informations.
Indices visuels
En examinant attentivement la vidéo diffusée sur Facebook, plusieurs éléments visuels permettent d’écarter définitivement la thèse selon laquelle elle proviendrait de la République démocratique du Congo. Dès les premières secondes, un bâtiment bien identifiable apparaît à l’arrière-plan. Celui-ci correspond parfaitement au siège de la gendarmerie nationale de Côte d’Ivoire, tel qu’il figure sur les images et photographies officielles partagées sur la page Facebook de l’institution.
Gauche : Image capturée par Eleza Fact de la vidéo publiée sur Facebook, montrant le bâtiment de la gendarmerie nationale ivoirienne en arrière-plan. Droite : Image téléchargée par Eleza Fact depuis la page Facebook de la Gendarmerie Nationale de la Côte d'Ivoire montrant le même bâtiment en arrière-plan.
De plus, à la 28ᵉ seconde de la vidéo, on distingue clairement plusieurs drapeaux ivoiriens disposés à proximité immédiate du bâtiment. Cet indice flagrant constitue une preuve supplémentaire de l’origine ivoirienne de la séquence. La présence de ces symboles nationaux confirme sans équivoque que les images proviennent bel et bien de la Côte d’Ivoire et n’ont aucun lien avec la police ou la gendarmerie de la République démocratique du Congo.
Image montrant les drapeaux de la Côte d’Ivoire, capturée de la vidéo publiée sur Facebook et éditée par Eleza Fact
Conclusion
Au terme de cette vérification, il ressort clairement que la vidéo massivement relayée sur les réseaux sociaux n’a aucun lien avec les forces de sécurité congolaises. Elle illustre en réalité la cérémonie officielle marquant l’intégration de la 22ᵉ promotion des commandos de la gendarmerie nationale ivoirienne, organisée le 24 juillet 2025 à la caserne d’Agban, en présence des plus hautes autorités militaires et politiques.
L’attribution abusive de ces images à la police congolaise constitue donc une manipulation de contexte manifeste, visant à tromper l’opinion publique et à nourrir la confusion autour du climat sécuritaire en République démocratique du Congo.