Contexte
Depuis le mois de septembre, plusieurs rapports font état d’intensification des affrontements entre les Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et le mouvement de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Dans ce climat de tension, deux images issues d’un drone, montrant un véhicule blindé en mouvement, ont circulé sur Facebook avec des affirmations selon lesquelles elles auraient été publiées par les FARDC pour montrer leurs frappes aériennes contre les positions du M23.
Les vérifications menées par Eleza Fact à l’aide de Google Lens ont toutefois permis d’établir que ces images ne datent pas de récents combats : elles remontent à février 2024 et proviennent d’un drone de surveillance appartenant à l’Organisation des Nations Unies (ONU), utilisé lors d’une mission d’observation dans le Nord-Kivu.
Images partagées
L’image à l’origine de la confusion provient d’une publication faite sur la page Facebook de Benedito Gabriel, une figure publique comptant plus de 180 000 abonnés et connue pour relayer des contenus à caractère politique et sécuritaire en lien avec la situation en RDC.
La légende de la publication affirme : « URGENT : Les FARDC publient des images de frappes aériennes visant des infrastructures militaires terroristes rwandaises au Sud-Kivu. Selon les premières informations, un système de défense aérienne terroriste des FDR rwandaises a été entièrement détruit ».
Au 26 octobre, la publication avait déjà récolté plus de 800 mentions “j’aime”, 40 partages et une centaine de commentaires. Les réactions des internautes se sont révélées très partagées : certains y ont vu un signe de victoire imminente contre le M23, tandis que d’autres ont douté de l’authenticité des images, les identifiant comme provenant d’Ukraine. L’un des commentaires indique : « Les images ne sont pas au Congo, c'est l'intelligence artificielle. Là, c'est en Ukraine », tandis qu’un autre utilisateur écrit : « Partagé massivement cette nouvelle ce bientôt la fin de kagame et ces acolytes » (sans correction).
Ces images ont également été reprises sur la page Facebook d’Armand Nkonko avec un message identique, amplifiant ainsi leur diffusion.
Une image prise par un drone de l’ONU en février 2024
L’analyse approfondie menée par Eleza Fact grâce à Google Lens a révélé que les images en question ont été publiées pour la première fois en février 2024 dans le cadre d’une mission de surveillance onusienne.
Bloomberg a diffusé ces images dans un article (archivé ici) daté du 19 avril 2024. Dans ce papier, le média explique que les clichés proviennent d’un drone de l’ONU ayant filmé, le 7 février 2024, un véhicule blindé Type 92 Yitian de fabrication chinoise, opéré par des soldats dans la province du Nord-Kivu. Ces images, déjà publiées et archivées à cette date, ont ensuite été reprises sans précision de leur ancienneté, contribuant à leur réutilisation trompeuse dans les publications récentes.
Ces mêmes images ont été reprises par l’analyste Martin Plaut dans un article (archivé ici) publié le même jour, confirmant les détails rapportés par Bloomberg. Dans son analyse, l’auteur s’appuie sur les mêmes séquences filmées en février 2024, sans apporter de nouveaux éléments visuels. Cela montre que les images diffusées actuellement ne sont pas inédites, mais issues de documents déjà publiés il y a plus d’un an.
Elles sont également visibles dans une publication du site Congo Virtuel Info (archivé ici), où elles ont été utilisées à titre d’illustration dans un article mentionnant la présence de forces étrangères en RDC, ce qui, selon le média, aurait accentué la gravité du conflit dans la région. Leur utilisation dans ce contexte visait principalement à illustrer un propos général et non à représenter des événements récents, ce qui confirme leur ancienneté.
Ces images apparaissent notamment dans une publication Reddit du compte Destroyed Thanks (archivé ici), où la légende mentionne qu’elles montreraient un véhicule de défense détruit par les forces congolaises. Toutefois, leur analyse révèle qu’il s’agit d’images d’archives datant de 2024, déjà diffusées à plusieurs reprises et remises en circulation sans vérification ni contextualisation.
Par ailleurs, plusieurs médias, dont Voice of America (VOA Africa) (archivé ici), Le Monde (archivé ici) et Jeune Afrique (archivé ici), ont rapporté un incident survenu en février 2024 impliquant un drone onusien dans l’est de la RDC. Ces articles, publiés à l’époque, confirment que les images associées à cet épisode sont anciennes et qu’elles se rapportent à des événements déjà documentés, sans lien avec les opérations militaires récentes.
Ces trois médias s’appuient sur un rapport confidentiel du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC, qui établit que le tir observé visait un appareil de la mission onusienne. VOA Africa évoque un « tir direct contre un drone des Nations unies », tandis que Le Monde et Jeune Afrique confirment qu’il s’agissait d’un système de défense sol-air utilisé dans un contexte de tension régionale.
En consultant les canaux officiels des FARDC, nous ne remarquons aucune publication d’images de frappes aériennes récentes visant des positions adverses au Sud-Kivu. Cette absence de contenu officiel suggère que les visuels partagés ne proviennent pas d’opérations actuelles, mais de documents plus anciens sortis de leur contexte.
Attaque des drones des FARDC contre le M23
Depuis le mois de septembre, les Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont accru leur recours à des drones tactiques pour combattre le Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est du pays. Selon un rapport du site d’analyse stratégique Critical Threats publié le 3 octobre 2025, une frappe menée par drone a été réalisée dans la zone de Walikale (Nord-Kivu), ciblant un camp logistique du M23 situé près de Rutsuru.
Conclusion
Les images partagées sur les réseaux sociaux et présentées comme des frappes aériennes récentes des FARDC contre le M23 ne sont pas authentiques. Elles proviennent de missions de surveillance onusiennes réalisées en février 2024 et ont été sorties de leur contexte. Aucune source officielle des FARDC n’a publié de telles images, et leur réutilisation trompeuse témoigne d’une désinformation active exploitant le climat d’instabilité sécuritaire dans l’est de la RDC.
Cette vérification rappelle la nécessité de recouper les sources et d’exercer une vigilance accrue face aux contenus visuels circulant en ligne, surtout dans un contexte de guerre où la manipulation de l’information est devenue une arme stratégique.
