Contexte
Alors que les affrontements entre les FARDC et le M23 continuent d’être rapportés dans plusieurs localités des provinces du Nord et du Sud-Kivu, une image montrant trois militaires assis au sol, torse nu, a refait surface sur Facebook et X vers la fin du mois d’octobre dernier. La légende prétend qu’il s’agirait d’une arrestation récente de combattants AFC/M23 exécutée après que certains auraient refusé de se rendre au Congo, une affirmation qui a rapidement suscité l’attention des internautes.
Eleza Fact a mené une enquête minutieuse sur l’image en utilisant l’outil Google Lens, ce qui a permis d’identifier précisément sa source. L’analyse a révélé que la photo remonte à 2015 et documente l’arrestation de trois militaires burundais accusés de complicité avec des insurgés qui menaient des attaques à Bujumbura.
Légende et image
L’image montre trois militaires torse nu, assis au sol, visiblement capturés. Elle a été partagée le 27 octobre dernier sur le compte X de Claude Mbikayi, un compte suivi par plus de 5600 abonnés et connu pour publier régulièrement des contenus non sourcés sur la guerre dans l’est de la RDC.
« Plusieurs membres du groupe criminel M23 ont été arrêtés aujourd'hui, tandis que d'autres ont été tués. Ils ont annoncé au peuple rwandais qu'ils refusent tout ordre de venir au Congo. Nous avons perdu de nombreux jeunes rwandais à cause de Kagame », déclare la légende associée à l’image.
Au 07 novembre, le post avait accumulé plus de 100 mentions “j’aime”, plus de 50 commentaires et plus de 30 partages sur X, témoignant d’une diffusion notable.
Sur Facebook, la même image apparaît dans deux publications distinctes, accompagnée exactement de la même légende, sans modification ni ajout. Cette duplication confirme une propagation coordonnée ou automatique d’une information trompeuse.
Lisette Lisa Mongendu publie également l’image sur sa page Facebook, où celle-ci cumule plus de 1000 mentions “j’aime” et plus de 100 partages.
Elle est également reprise sur la page VRAI infos.cd, toujours avec la même légende.
Les commentaires sous ces publications sont majoritairement positifs et semblent adhérer sans réserve à la rumeur. C’est le cas d’un internaute qui affirme : « Ils vont réellement payer, jusqu'à présent, nous sommes entrain juste de faire le plan du cour.... Pour cette querre , nous allons nous résumer dans trop peut semaines » (sans modification ni correction du texte). Un autre ajoute : « C'est ne pas encore fini, nous vous poursuivrons jusqu'à Kigali, vive le waza waza ,vive la fardc vive peuple congolais » (sans modification ni correction du texte).
Une image prise en 2015
La recherche inversée effectuée via Google Lens par Eleza Fact a révélé plusieurs correspondances datant de décembre 2015, confirmant que l’image n’a aucun lien avec les récents événements en RDC.
Une de ces correspondances provient d’un article publié par Voice of America (VOA Afrique) (archivé ici) le 12 janvier 2016. L’article montre la même image avec la légende précisant qu’elle a été prise le 11 décembre 2015 par l’armée burundaise. « Trois militaires accusés de complicité avec les insurgés à Bujumbura, Burundi, 11 décembre 2015. Photo/Armée burundaise » Indique la légende sur l’image.
Dans ce même article, VOA expliquait que 43 présumés rebelles burundais opposés au président Pierre Nkurunziza avaient été arrêtés en RDC entre août et janvier 2015, avec pour objectif de s’infiltrer au Burundi afin de déstabiliser le régime. Cette situation illustre la profondeur des tensions régionales à cette période.
L’image apparaît aussi dans un article du média burundais UBM News (archivé ici), publié le 26 janvier 2016. L’article y décrit une attaque survenue dans la commune de Mugamba, où les forces de sécurité avaient affronté un groupe d’opposants, faisant deux morts parmi les assaillants. Les autorités avaient annoncé l’arrestation de suspects et la saisie de matériel.
Enfin, Veritas Infos revient sur l’image (archivé ici) le 26 avril 2016, reprenant à son tour la légende de VOA Afrique. Le média rappelle que le visuel est lié à un incident du 11 décembre 2015 impliquant des militaires burundais. Il évoque également la poursuite d’infiltrations de rebelles burundais dans l’est de la RDC, ainsi que les accusations portées à l’époque contre le Rwanda, soupçonné d’entraîner ces groupes malgré les efforts conjoints des FARDC et de l’armée burundaise.
Incident survenu le 11 décembre 2015 au Burundi
Le 11 décembre, le média français Le Point expliquait que trois camps militaires burundais avaient été pris pour cible lors d’attaques coordonnées à Bujumbura et dans la province de Mujejuru. Ces assauts représentaient l’un des niveaux de violence les plus élevés depuis le putsch manqué de mai 2015, plongeant la capitale dans une atmosphère d’extrême tension et d’insécurité (archivé ici).
Le 12 décembre 2015, France 24 rapportait que Bujumbura avait été le théâtre de l’un des épisodes les plus meurtriers de la crise politique burundaise. Près de 90 personnes avaient été tuées, selon le bilan officiel, et de multiples témoignages faisaient état d’exécutions sommaires dans des quartiers contestataires. Cette période reste l’un des symboles les plus sombres de la contestation contre le troisième mandat controversé du président Pierre Nkurunziza (archivé ici).
Situation actuelle à l’est de la RDC
Depuis septembre 2025, une série de défections et d’arrestations au sein du M23 est observée dans plusieurs zones de l’est de la RDC. Le 25 septembre, 45 éléments du mouvement ont été présentés à Kisangani : 30 s’étaient rendus volontairement, tandis que 15 avaient été capturés, dont deux mineurs, selon la 3ᵉ zone de défense des FARDC.
Peu après, à Walikale (Nord-Kivu), 29 autres combattants ont déposé les armes le 8 octobre, trois supplémentaires ayant été capturés. Une nouvelle vague d’une trentaine de combattants s’est ensuite rendue dans le Nord et le Sud-Kivu, parmi lesquels figuraient d’anciens civils, policiers ou militaires enrôlés de force. Deux officiers faisaient également partie des personnes qui ont décidé de quitter les rangs du M23.
Conclusion
La vérification menée par Eleza Fact démontre que l’image virale attribuée à une arrestation récente de combattants du M23 n’a aucun lien avec les événements actuels dans l’est de la RDC. Elle provient d’un tout autre contexte, celui de l’arrestation de militaires burundais impliqués dans des attaques menées à Bujumbura en décembre 2015. Cette enquête souligne ainsi l’importance cruciale de la vérification des images et des sources, particulièrement en période d’instabilité, où la désinformation peut rapidement influencer l’opinion publique et fausser la compréhension des faits.
