Contexte
Alors qu’il séjourne aux États-Unis pour assister à la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA 2025, Moïse Katumbi (archivé ici), président national du parti politique Ensemble pour la République, fait parler de lui, et pas concernant le sport. En mai 2025, son parti a dénoncé des perquisitions arbitraires dont aurait été victime son leader. C’est dans ce climat de confusion qu’une information a retenu notre attention. Publiée sur Facebook le 16 juin 2025, cette publication évoquait une prétendue condamnation d’un proche collaborateur de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu, son porte-parole. Selon la publication, ce dernier a été poursuivi et condamné aux États-Unis pour des faits de corruption en RDC dans l'affaire du fonds d’investissement américain och-ziff, écopant d’une lourde amende pénale assortie d’une interdiction formelle d’entrer, de transiter ou de séjourner sur le sol américain pendant dix ans.
Cependant, Eleza Fact s’est penché sur cette allégation pour en vérifier la véracité. Après avoir contacté Olivier Kamitatu lui-même et consulté les dossiers judiciaires des États-Unis, nous n’avons trouvé aucune trace d’une sentence ou d’une quelconque condamnation prononcée contre Olivier Kamitatu par la justice américaine.
Allegation
L’information a été mise en ligne par la page Facebook CMD INFOS le 16 juin 2025. Elle était accompagnée d’une photo d’Olivier Kamitatu et de la légende suivante : “OLIVIER KAMITATU CONDAMNÉ PAR LE TRIBUNAL FÉDÉRAL DE BROOKLYN, À NEW-YORK AUX USA. Haut cadre du parti Ensemble de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu vient d’être définitivement condamné par le Tribunal Fédéral du district de Brooklyn (New York) aux USA pour des faits criminels de corruption en République Démocratique du Congo avec une lourde peine d’amendes pénales assortie d’une interdiction formelle d’entrer, de transiter et de séjourner aux USA d’une durée de 10 ans.”
Au lundi 23 juin 2025, la publication avait déjà cumulé 205 mentions “j’aime”, généré 60 commentaires et 48 partages. De nombreux internautes y ont cru et ont exprimé leurs réactions dans les commentaires. L’un d’eux a même écrit : “Un aventurier qui voulait nous montrer qu’il était honnête.”
On retrouve également une publication dans le groupe Facebook "Radio Okapi Les Infos", publiée par la page Neucatique.CD, avec la légende suivante : "La justice américaine condamne Olivier Kamitatu pour corruption ; ceci est un coup dur pour le politicien Moïse Katumbi, car Olivier Kamitatu est l’interface de l’opposant face aux lobbyistes américains."
Vérification des allégations
Pour vérifier ces allégations, Eleza Fact a d’abord contacté Olivier Kamitatu lui-même, via messagerie WhatsApp. Ce dernier a répondu : « Grok a toutes les bonnes réponses : “Il n’y a aucune trace – dans les documents américains (DOJ, SEC) ou les reportages fiables – indiquant qu’Olivier Kamitatu ait été impliqué ou condamné dans l’affaire de corruption concernant Och‑Ziff en RDC.
🔍 Ce qu’on sait :
Voici le cœur de l’affaire Och‑Ziff : entre 2005 et 2012, le fonds a versé des pots‑de‑vin à des officiels congolais, via un intermédiaire, afin d’obtenir des concessions minières ; ils ont reconnu ces faits et payé des amendes aux États-Unis.
Olivier Kamitatu, lui, est un homme politique congolais – ancien président de l’Assemblée nationale de transition, ministre et proche de Moïse Katumbi. Aucun lien judiciaire, accusation ou poursuite dans cette affaire ne le concerne.
En parallèle, il est notamment connu pour sa dénonciation publique de la corruption au sein du régime Tshisekedi
Conclusion : Non, Olivier Kamitatu n’a pas été condamné dans l’affaire Och‑Ziff. Il ne figure pas parmi les personnes mentionnées dans l’accord de plaidoyer ou les poursuites – celles-ci ciblent des dirigeants d’Och‑Ziff et des intermédiaires africains, mais pas lui” ».
Poursuivant ses vérifications, Eleza Fact a consulté le site officiel du Département américain de la Justice, et n’y a trouvé aucun document, actualité ou rapport attestant d’une quelconque condamnation d’un ressortissant congolais pour corruption en juin 2025. La dernière actualité publiée sur le site remonte au 18 juin 2025, et concerne une plainte civile déposée par les États-Unis visant la confiscation de 225 millions de dollars de fraude à l'investissement en cryptomonnaies et blanchiment d'argent.
Que retenir du dossier Och-Ziff
L’affaire à laquelle fait allusion la publication concerne le dossier du fonds d’investissement américain Och-Ziff comme repris dans l'image , dans lequel aurait été impliqué Olivier Kamitatu, alors ministre du Plan et de la Révolution de la modernité. Entre 2007 et 2011, Och-Ziff Capital Management, l’un des plus grands fonds spéculatifs de New York, a investi massivement en Afrique, notamment en République démocratique du Congo, principalement dans le secteur minier. Pour obtenir des droits sur des actifs miniers stratégiques (cuivre, cobalt, diamants), Och-Ziff a eu recours à des intermédiaires afin de verser des dizaines de millions de dollars de pots-de-vin à des hauts responsables congolais, dont certains proches du pouvoir présidentiel.
L’homme d’affaires israélien Dan Gertler, connu pour ses liens étroits avec l’élite politique congolaise, a joué un rôle central dans ces transactions. Une partie importante des fonds prêtés par Och-Ziff à ses sociétés partenaires aurait été utilisée pour corrompre des officiels, afin de sécuriser des actifs miniers, notamment ceux de la société canadienne Africo Resources.
En 2016, la vérité éclate à la suite d’une enquête approfondie menée principalement par la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur américain des marchés financiers. Cette enquête a été déclenchée par des soupçons portant sur des transactions opaques et l’usage d’intermédiaires pour verser des pots-de-vin à des responsables gouvernementaux de haut niveau en Afrique, notamment en RDC. La même année, Och-Ziff a reconnu avoir violé la loi américaine sur la corruption à l’étranger (FCPA) et a accepté de payer un total de 412 millions de dollars d’amendes et de pénalités aux autorités américaines. Son fondateur, Daniel Och, a également été personnellement sanctionné.
En 2020, une filiale du fonds, OZ Africa, a été condamnée à verser 135 millions de dollars de compensation aux actionnaires lésés d’Africo Resources. Toutefois, les communautés congolaises affectées par la perte du projet minier n’ont reçu aucune indemnisation. Ce scandale a entraîné le rachat frauduleux et la mise en sommeil du projet minier Kalukundi, privant ainsi des milliers de Congolais d’opportunités d’emploi et d’accès à des services sociaux tels que l’eau, la santé et l’éducation, qui avaient été promis dans le cadre du projet.
Ce dossier est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands scandales de corruption liés à l’exploitation minière sur le continent africain. Ce scandale a terni l’image de la RDC et mis en lumière l’ampleur de la corruption dans le secteur minier, tout en révélant le rôle déterminant joué par certains intermédiaires internationaux dans la prédation des ressources naturelles africaines.
Bref
Contrairement à ce qui a été affirmé, Eleza Fact n’a trouvé aucune trace d’une condamnation ni d’un jugement prononcé à l’encontre d’Olivier Kamitatu aux États-Unis pour corruption. Le dossier auquel fait référence la publication a été clos depuis 2020, et les acteurs réellement impliqués ont été sanctionnés par des amendes imposées par les autorités américaines.
Cette vérification souligne l’importance d’une vigilance accrue face aux informations diffusées sur les réseaux sociaux, en particulier dans un contexte de crise et d’instabilité comme celui que traverse actuellement la République démocratique du Congo. Il est essentiel de vérifier les contenus avant de les croire ou de les partager, afin d’éviter la propagation de fausses informations susceptibles d’alimenter la confusion ou la méfiance au sein de l’opinion publique.
Édité par Joël Alimasi Kitambala