Contexte
Lors du sommet 2023 sur l'Alimentation en Afrique organisé à Dakar organisé du 25 au 27 juin 2023 par le Groupe de la banque africaine de développement, le gouvernement du Sénégal et la commission de l'Union africaine. Pendant son discours, sans préciser l’année , Felix Tshisekedi a affirmé que la République démocratique du Congo a réussi à impliquer le manioc dans la fabrication du pain à hauteur de 10% et cela a permis de faire des économies sur l’importation de blé. Cette déclaration est-elle factuellement vraie ?
Cependant, pour vérifier cette allégation, nous avons contacté le ministère des Petites, Moyennes Entreprises et Industrie ( PME ) de la RDC, le centre de recherche et d’application en développement durable en RD Congo, l’institut international d’agriculture tropicale (IITA) en RDC, recherche scientifique approuvée sur le manioc en RDC, des experts et des ressources crédibles en ligne et ouvertes .
L’allégation
« Nous avons réussi à impliquer le manioc dans la fabrication du manioc à hauteur de 10% , cela nous permis des faire des économies sur l’importations des blés ; l’économie de l’ordre de 10 a 20 millions de dollars », a fait savoir Felix Tshisekedi lors du sommet de Dakar. La portion de la citation est située de la 5e minute 30 secondes à 5 minutes 38 secondes (timecode). Son discours étant filmé, il a été relayé dans une édition de journal de la télévision B-One puis repartager sur les réseaux sociaux dont Facebook sur la page B-One Télévision le 26 janvier 2023 dans un post qui a fait 21.000 vues, 627 mentions « j’aime », 28 commentaires et 56 partages jusqu’à ce 15 mars .
La déclaration a cependant défrayé la chronique et a même été partagé sur X (Ex-Twitter) et a fait plusieurs milliers des vues et plusieurs commentaires qui ont cru à l’information.
Un pourcentage « non prouvé »
Contacté difficilement par Eleza Fact, le ministère des Petites, Moyennes Entreprises et Industrie ( PME ) de la République démocratique du Congo (RDC) basé à Kinshasa via son secrétaire Viky Kakese, n’a donné aucune source fiable de ce pourcentage sur l’implication du manioc dans la fabrication du manioc .
« Nous n’avons jusque-là pas ce chiffre », a-t-il fait savoir à l’un de nos chercheurs dans un entretien téléphonique.
De même, en Avril 2022, l’ancien ministre des finances en République démocratique du Congo , Nicolas Kazadi , dans une interview diffusé sur le media d’informations congolais depeche.cd a affirmé que la RDC n’est même pas encore à 5% d’implication des maniocs dans la préparation du pain avant de tirer une comparaison avec le Brazil.
« Le ministre de l’industrie était en réunion avec le Premier ministre, il nous a expliqué qu’ils sont en train de travailler sur ce qui se fait partout dans le monde, introduire un peu le manioc dans le pain, dans la planification. Il y a des pays qui sont arrivés à 20% et voire plus. C’est comme ce qui se fait au Brésil, farine de blé 50%, de manioc 50%. Nous nous sommes encore à 0% », a fait savoir Nicolas Kazadi.
Des données qui ne sont pas de la RDC en général
Selon Nicolas Kazadi, les études menées entre le ministre de l’industrie et les experts de la planifications, ont indiquée qu’en introduisant 5% de la farine de manioc ferait 5% en moins dans les importations et permettrait d’accroitre la demande de manioc de 150.000 tonnes.
Interrogé par Eleza Fact sur la source de cette statistique, la cellule de communication de l’institut international d’agriculture tropicale ( IITA ) en RDC du Sud-Kivu et contacté à travers Isabelle Riba, l’une de ses membres n’a pas fourni des données chiffrées à ce point mais a partagé une vidéo de 2 minutes et 13 secondes qui montrent des échantillons des vendeurs s’expriment en Lingala qui utilisent la farine manioc dans la fabrication des beignets tout en précisant que 59 boulangeries à Kinshasa ont été formés sur l’utilisation de 10% de la farine panifiable de manioc dans la fabrication du pain.
« Il est envisagée d’attendre l’utilisation de cette technologie dans les autres provinces de la RDC », ajoute-t-elle.
La RDC est la deuxième plus grande productrice du Manioc après le Nigeria. Crédit photo : Zoom Eco
Consulté par Eleza Fact, la recherche scientifique effectuée par Jean-Claude Mboka Ingoli sur le champs de manioc au Congo Kinshasa publiée par l’Université d’Ottawa publié en 2022 n’a cité aucun chiffre sur le pourcentage de manioc dans la panification mais met en avant la baisse de variété .
« Au Congo-Kinshasa, la diminution des variétés locales de manioc et la difficulté d’adapter celles fournies par les ONG aux conditions locales de production agricole suscitent des questions sur la façon dont les agronomes et les baloni, semeurs, peuvent coopérer pour maintenir et augmenter le potentiel de vie de cette plante nourricière », démontre-t-elle.
Une question qui intéresserait les chercheurs
Expert en Agro-alimentaire, professeur Jean Claude Bwangana, confie à la Radio Okapi que l’intégration du manioc dans la panification a des avantages comme inconvénients et c’est une préoccupation qui doit intéresser les chercheurs pour avoir des données scientifiques probantes afin que l’intégration soit vraiment optimale.
« J’invite tout le monde a épouser cet avis [Ndlr, de vérifier le chiffre sur l’intégration du manioc dans la panification], et orienter les recherches dans le sens de l’utilisation de l’utilisation de la farine dans l’industrie du manioc. Le pourcentage d’intégration est avant tout légal, c’est la législation qui doit définir après c’est au industriel et au chercheur de faire en sorte que ce pourcentage soit atteint sans que la qualité du produit soit affectée, parce que , lorsqu’on introduit le manioc, il suffisamment d’étude sensorielle pour voir que par exemple la texture de l’aliment n’est pas affectée et que la digestibilité n’est pas affectée », confie-t-il , avant d’ajouter : « Chez nous parfois , nous négligeons la gestion de la production post-récolte et ça fait que généralement quand vous passez dans nos villages vous voyez le manioc, généralement ils sont moisis ».
En effet, selon le professeur Adolphine Nkuadiolandu, pédiatre nutritionniste œuvrant aux Cliniques de Kinshasa, le manioc seul ne peut pas contribuer en amidon et sucre. Ce n’est pas suffisant.
« Le manioc peut servir de base dans la fabrication des pains parce qu'il apporte de l'amidon et du sucre, mais il faut l'adjoindre à d'autres céréales riches en vitamines, protéines et lipides. Le manioc seul n'est pas très nutritif pour couvrir les besoins alimentaires», a-t-elle affirmé au media d’informations actualite.cd.
Conclusion
Des recherches indépendantes et minutieuses effectuées par Eleza Fact au sein du ministère des Petites, Moyennes Entreprises et Industrie ( PME ), le centre de recherche et d’application en développement durable en RD Congo , l’institut international d’agriculture tropicale (IITA) en RDC, recherche scientifique approuvée sur le manioc en RDC, des experts et des ressources crédibles en lignes et ouvertes ont prouvé que l’Affirmation faite par le président Felix Tshisekedi sur le chiffre de l’intégration du manioc dans la panification est non prouvée factuellement.