Contexte
Le 9 septembre, l’équipe nationale de football de la République démocratique du Congo a disputé sa 6ᵉ journée des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. La rencontre, particulièrement disputée, s’est soldée par une défaite des Léopards de la RDC face aux Lions de La Teranga du Sénégal sur le score de 3 buts à 2. Ce revers a provoqué une vague de frustration chez certains supporters congolais qui, dans un élan de colère, ont saccagé des sièges du stade des Martyrs de Kinshasa, symbole national du football congolais.
Dès le lendemain, soit le 10 septembre, plusieurs images ont commencé à faire le tour des réseaux sociaux, notamment sur Facebook. Elles montraient des jeunes hommes allongés au sol et étaient accompagnées de commentaires affirmant qu’il s’agissait de supporteurs arrêtés après les violences au stade. Cette diffusion a rapidement alimenté la confusion, donnant à croire que les forces de l’ordre avaient procédé à une répression massive dans la capitale.
Cependant, après une vérification minutieuse à l’aide des outils d’analyse d’images inversées, Eleza Fact a découvert que ces photos ne provenaient pas de Kinshasa. Elles avaient en réalité été prises à Lubumbashi, trois jours avant le match, dans un tout autre contexte sécuritaire.
Source de l’infox
La rumeur est partie d’une publication sur la page Facebook de Nathanaël Pastore Maweja, suivie par plus de 5 800 abonnés. La visibilité de cette page lui permet de toucher un large public, ce qui amplifie la portée de ses publications.
La photo en question était assortie d’une légende catégorique : « Plusieurs jeunes ont été interpellés pour avoir commis des actes de vandalisme et de pillage au stade des Martyrs, à la suite du match entre la RDC et le Sénégal ».
Malgré cela, plusieurs internautes ont exprimé leurs doutes dans les commentaires. L’un d’eux a notamment tenu à témoigner directement : « Attention aux images qui sortent du contexte. J'étais au stade, il y a eu aucune interpellation de la sorte ».
Des images prises à Lubumbashi
Afin de rétablir la vérité, Eleza Fact a lancé une recherche par image inversée grâce à Google Lens. Les résultats ont révélé que les images étaient apparues pour la première fois sur internet le 6 septembre, soit trois jours avant la rencontre entre la RDC et le Sénégal. Cela excluait déjà toute relation directe avec les incidents de Kinshasa.
Nous avons retrouvé ces images dans une vidéo mise en ligne sur la chaîne YouTube La Voix du Kivu TV (archivé ici). La vidéo, publiée le 6 septembre, était intitulée : « BOUCLAGE À LUBUMBASHI, 145 JEUNES INTERPELLÉS PAR LA POLICE AU QUARTIER CONGO/RUASHI ». En comparant les images de Facebook avec cette vidéo, la correspondance s’est révélée exacte : mêmes individus, mêmes positions, mêmes décors. Les photos partagées sur les réseaux sociaux avaient donc été extraites directement de cette séquence.
La même vidéo a également été publiée sur la chaîne YouTube Déo Chabu (archivé ici) à la même date. On y entend distinctement un policier expliquer le contexte de l’arrestation : « Ce sont ces malfaiteurs qui entretiennent l’insécurité dans la ville de Lubumbashi. Ils ont été arrêtés dans le quartier Congo, commune de Ruashi, au cours d’une opération conjointe de bouclage menée par l’armée et la police congolaise dans la nuit du 5 au 6 septembre dernier ». Ce témoignage sonore, enregistré sur place, vient confirmer l’origine véritable des images.
Ces détails ont par ailleurs été repris par la Radio Okapi (archivé ici), qui a indiqué que la police avait mené une vaste opération de bouclage dans plusieurs quartiers de Lubumbashi, notamment Tshansansa, Tshamilemba et Congo, dans la nuit du 5 au 6 septembre. Cette opération, selon les autorités locales, avait conduit à l’interpellation de 145 personnes soupçonnées d’activités criminelles et de troubles à l’ordre public.
Enfin, le média Opinio-Info (archivé ici) a, lui aussi, relayé ces informations, ce qui renforce la concordance des sources et invalide définitivement la version diffusée sur Facebook.
Conclusion
Les images présentées comme la preuve de l’arrestation de jeunes à Kinshasa après le match RDC-Sénégal ne correspondent pas à cet événement. Les vérifications établissent qu’elles ont été prises trois jours avant le match, lors d’une opération conjointe de police et d’armée à Lubumbashi, qui avait conduit à l’interpellation de 145 personnes soupçonnées d’activités criminelles.
Une simple manipulation visuelle peut fausser la perception du public et alimenter des tensions déjà exacerbées par un événement sportif sensible. Il est essentiel de vérifier les informations via des sources fiables pour contrer les rumeurs et d’éviter que de fausses nouvelles ne viennent amplifier la colère ou la méfiance de l’opinion publique.
Édité par Daniel Makeke