Contexte
Lors de la chute de la ville de Goma, à la fin du mois de janvier 2025, plusieurs militaires des FARDC ont perdu la vie en tentant de défendre certaines positions stratégiques, notamment le Mont Goma et l’aéroport international de Goma. Face à l’épuisement des munitions, certains soldats ont finalement décidé de déposer les armes et de se “rendre” à Gisenyi, au Rwanda.
Neuf mois plus tard, une publication sur Facebook a attiré l’attention : elle montre des images de militaires en pleine séance d’entraînement, présentés comme ces mêmes soldats réfugiés à Gisenyi, prétendument formés par des mercenaires rwandais dans le but de rejoindre l’AFC/M23.
Cependant, Eleza Fact a soumis ces images à l’outil Google Lens afin d’en vérifier l’authenticité. Résultat : les images ont été utilisées hors contexte et ne montrent pas ce que prétend la publication.
Publication
La publication a été mise en ligne le samedi 11 octobre 2025 dans le groupe Facebook INFOS M23 vs WAZALENDO par un utilisateur nommé Pascal Mudabukusha. Elle contient deux clichés : le premier montre des militaires assis à même le sol, autour d’un homme blanc en train de s’adresser au groupe — probablement un instructeur ; le second montre des militaires rassemblés, chapeau à la main, avec deux hommes au centre du cercle.
Pascal accompagne ces deux images du texte suivant : “Urgent . Les militaire FARDC qui se sont rendu au Rwanda après la chute de Goma sont entrain d'être former par Des mercenaire au Rwanda, pour devenir de comandons pour venir appuyer l'AFC-M23. ALERTE !!!” (sans correction).
Une première image prise en février 2020
Grâce à Google Lens, nous avons retrouvé l’image en illustration d’un article (archivé ici) publié par le département des opérations de maintien de la paix de l’ONU (Peacekeeping) qui rapporte qu’en février 2020, environ 500 militaires des FARDC ont bénéficié d’une formation spécialisée en techniques de combat en jungle au centre d’entraînement de Beni, dans la province du Nord-Kivu. Cette formation, encadrée par des instructeurs brésiliens de la MONUSCO, visait à renforcer les capacités de l’armée congolaise à opérer dans des environnements forestiers complexes où se retranchent souvent les groupes armés. Le programme a duré trois mois et comprenait également des modules sur la discipline militaire, la coopération inter-unités et la protection des civils.
L’article souligne l’importance de cet appui dans un contexte marqué par l’instabilité sécuritaire persistante à l’est de la RDC, notamment dans le « triangle de la mort » (Beni–Eringeti–Mbau). Les images illustratives montrent des soldats congolais en rangs, en tenue de combat, recevant des certificats de fin de formation, aux côtés des formateurs onusiens et des officiers supérieurs des FARDC. Ces clichés ont été capturés à Beni lors de la cérémonie officielle de clôture du programme, en présence de représentants de la MONUSCO et des autorités locales.
Une image montrant des militaires kényans en 2022
Le deuxième cliché apparaît dans un article (archivé ici) du média français Le Monde avec la description suivante : “Des militaires kényans se recueillent lors de la présentation du drapeau au camp d’Embakasi, à Nairobi, où sont rassemblés des soldats avant leur déploiement en République démocratique du Congo. THOMAS MUKOYA / REUTERS”.
Dans cet article de Le Monde, il est rapporté que le Parlement kényan a approuvé l’envoi de 903 soldats en RDC, dans le cadre d’une force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) destinée à stabiliser l’est du pays, particulièrement face aux offensives du M23. Cette mission, initialement prévue pour six mois, serait financée à hauteur de 4,4 milliards de shillings kényans (≈ 36,5 millions d’euros), avec possibilité d’extension. Le Kenya devait assurer le commandement de cette force multinationale qui incluait également l’Ouganda, le Burundi et le Soudan du Sud, tandis que la participation rwandaise avait été exclue en raison des tensions avec Kinshasa.
Conclusion
Pour conclure, grâce à l’outil Google Lens, Eleza Fact a pu établir que les images diffusées dans la publication ont été utilisées hors de leur contexte. Elles ne montrent pas une formation de militaires des FARDC capturés à la chute de Goma par des mercenaires sur ordre du Rwanda, mais proviennent d’autres événements documentés antérieurement, une relative à une formation des FARDC par la MONUSCO à Beni en 2020, l'autre relative au déploiement des soldats kényans dans le cadre de la mission de l'EAC en RDC, en 2022. Cette vérification rappelle l’importance d’un esprit critique face aux contenus circulant en ligne : toujours vérifier avant de croire, et surtout avant de partager.
