Contexte
Les tensions politiques et militaires entre la République démocratique du Congo et le Rwanda continuent de nourrir des rumeurs et des spéculations, notamment sur les violences persistantes dans l’est de la RDC. Ce 06 décembre, deux jours après la signature de l’accord de paix entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame à Washington, une image a été publiée sur TikTok montrant Paul Kagame menotté et escorté par deux militaires portant des tenues floquées “FBI”. La publication l’accompagne d’allégations selon lesquelles le président rwandais a été arrêté par le FBI, ce qui a rapidement circulé et alimenté des discussions en ligne.
Eleza Fact a conduit des vérifications approfondies de cette image en utilisant Hive Moderation, Decopy AI et Was It AI, tout en comparant la scène aux procédures réelles d’arrestation d’un chef d’État et au mandat légal du FBI dans le cadre d’une intervention à l’étranger. Ces investigations techniques ont clairement établi que l’image a été entièrement générée par l’Intelligence Artificielle, et ne correspond en rien à une arrestation réelle.
Origines de la désinformation
L’image a été diffusée sur TikTok via le compte c_Kinshasa le 06 décembre, un compte comptant plus de 11 000 abonnés et partageant régulièrement des contenus liés à l’actualité congolaise. La légende de la publication indique : « kagame arrêté par la FBI ».
Cette publication a été vue plus de 1 320 fois au 12 décembre et a suscité de diverses interactions.
En commentaire, plusieurs utilisateurs semblent croire à l’authenticité de l’image et expriment leur satisfaction par des réactions ou des stickers de joie. Par exemple, un internaute écrit : « Il le fallait ».
Une image générée par l’IA
Une analyse visuelle de l’image révèle des éléments indiquant une génération artificielle. Le plus évident est la présence du logo de Gemini, l’intelligence artificielle de Google, dans le coin inférieur droit, attestant que l’image a été créée via cet outil.

Logo de Gemini au coin inférieur droit de l’image, zoomé par Eleza Fact.
D’autres incohérences visuelles renforcent cette conclusion : les menottes apparaissent mal positionnées, avec une tension irréaliste sur les poignets ; les mains de Paul Kagame semblent légèrement déformées ; les uniformes des agents sont symétriques et trop “propres”, avec des patchs FBI parfaitement lisibles et répétitifs. Les armes et accessoires sont uniformes et alignés de manière improbable, tandis que l’éclairage est plat et uniforme, sans cohérence avec les ombres attendues. Enfin, l’arrière-plan manque de profondeur et de micro-détails, les fenêtres et pavés étant trop réguliers, donnant un aspect artificiel à la scène.
Se servant de Hive Moderation, il est établi que la probabilité que l’image soit générée par l’IA est de 99,9 %.
Résultats des analyses de Hive Moderation capturés par Eleza Fact.
Decopy AI a confirmé ces résultats avec un score de 100 % de probabilité d’une génération artificielle.
Résultats des analyses de Decopy AI capturés par Eleza Fact.
Enfin, Was It AI a également indiqué que l’image ou une partie significative de celle-ci a été créée par une intelligence artificielle.

Résultats des analyses de Was it AI capturés par Eleza Fact.
Procédure d’arrestation d’un président en exercice et mandat du FBI
L’arrestation d’un président en exercice constitue un acte exceptionnel, encadré par le droit international. Un chef d’État bénéficie d’une immunité diplomatique (archivé ici) protégeant toute intervention étrangère. Une arrestation ne peut intervenir que dans des circonstances strictes : fin de mandat, levée d’immunité par son pays ou mandat émis par une juridiction internationale compétente, exécuté avec l’accord des autorités concernées.
Même selon la Constitution rwandaise, l’arrestation du président rwandais ne peut se faire arbitrairement : l’article 145 prévoit que le président ne peut être poursuivi que dans le cadre de procédures constitutionnelles strictes, impliquant le Parlement et la Cour suprême, et uniquement pour des infractions graves telles que la haute trahison. Cela signifie qu’aucune autorité nationale, et encore moins étrangère, ne peut procéder à une arrestation en dehors de ce cadre légal.
Le FBI n’a pas de compétence extraterritoriale pour arrêter un chef d’État en exercice. Son autorité se limite aux violations du droit fédéral américain sur le territoire des États-Unis (archivé ici), ou exceptionnellement à l’étranger avec le consentement du pays hôte ou un mandat explicite du Congrès. Le droit international et interne protège l’immunité pénale des chefs d’État (archivé ici), empêchant toute arrestation par un autre État sauf dans des cadres très précis, comme la Cour pénale internationale après renonciation à l’immunité. Ainsi, l’image diffusée ne correspond en aucun cas aux pratiques légales et est juridiquement impossible.
Verdict
L’image prétendant montrer l’arrestation de Paul Kagame par le FBI est entièrement fausse et générée par l’intelligence artificielle. Les analyses techniques confirment sa nature artificielle et révèlent de nombreuses incohérences visuelles. Par ailleurs, il est juridiquement impossible pour le FBI ou toute autre autorité étrangère d’arrêter un président en exercice comme Paul Kagame sans un cadre légal international précis et le consentement du pays concerné.
Il est donc nécessaire de ne pas se laisser tromper par les contenus générés par l’Intelligence Artificielle, ces derniers peuvent sembler vrais, pourtant produits pour tromper et induire en erreur.
