Contexte :
Alors qu’une fausse capture d’un passeport burundais prétendument attribué à Vital Kamerhe circule sur les réseaux sociaux, la désinformation visant le président en exercice de l’Assemblée nationale de la RDC continue de prendre de l’ampleur. Après l’épisode du passeport, une nouvelle publication datée du 16 juillet dernier sur Facebook a attiré l’attention. Cette publication montre une image de Vital Kamerhe, entouré de militaires, avec l’icône de lecture de YouTube au centre et une photo du président Félix Tshisekedi à droite. Le texte qui accompagne cette image affirme que quatre maisons appartenant à Vital Kamerhe ont été bloquées à Kinshasa, dans la commune de la Gombe, avec à l’intérieur des armes et des explosifs.
Après une prise de contact avec le bureau de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), le parti cher à Vital Kamerhe, et une analyse approfondie de l’image à l’aide de l’outil de détection des deepfakes, Hive Moderation, Eleza Fact a pu établir qu’il s’agit d’une fausse information.
Publication et allégations
La nouvelle affirmant que quatre maisons de Vital Kamerhe ont été bloquées à Gombe avec des armes et des bombes à l’intérieur a été publiée sur Facebook, dans le groupe GOMA INFOS, qui compte près de 325 000 membres. L’auteur de la publication, nommé Rwagaza Stefane, déclare : « 4 MAISON DE KAMERHE BLOQUÉ À GOMBE, 150 ARME RETROUVE + D BOMBE, PLUSIEUR GENERAUX AUX »(sans correction).
Pour appuyer ses propos, l'internaute a joint une image montrant Vital Kamerhe entouré de quatre militaires, avec à son torse une tablette portant l’inscription : “Condamnation officielle : Vital Kamerhe, 15 ans de prison, général Christian Tshiwewe : 25ans de prison”, et à droite le président Félix Tshisekedi en costume. Cette mise en scène visuelle donne l’impression d’un contenu vidéo, renforcée par la présence de l’icône "play" au centre de l’image, comme sur une miniature YouTube, suggérant l’arrestation du président de l’assemblée nationale congolaise.
Dans la section des commentaires, les réactions sont marquées par une forte tension communautaire. Plusieurs internautes dénoncent un acte de tribalisme, tandis que d’autres ont recours à des propos haineux. L’un des commentaires les plus préoccupants déclare, sans filtre : « Ces mangeurs de chiens pensent que ce pays leurs appartient seuls »(sans correction).
Au 21 juillet dernier, à 14h30, la publication avait déjà récolté 194 mentions "j’aime", 72 commentaires et 11 partages.
La petite icône YouTube visible au centre de l’image nous a également poussés à approfondir nos recherches sur cette plateforme. Ces investigations nous ont menés vers une vidéo publiée par un compte nommé "Au Sommet TV", qui compte près de 52 000 abonnés, le 15 juillet 2025. Le titre de cette vidéo y publiéé reprend mot à mot la légende utilisée par Rwagaza Stephane. Dans son contenu, on aperçoit brièvement pendant environ trois secondes un attroupement de militaires, suivi d’un extrait d’émission télévisée où l’on voit un homme sur un plateau décoré du drapeau de la République démocratique du Congo. Ce dernier tient des propos laissant entendre que Vital Kamerhe se considérerait comme supérieur aux autres.
Les proches de Vital Kamerhe réfutent l’affirmation
Pour commencer, nous avons d’abord pris contact avec le bureau de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), le parti politique dont Vital Kamerhe est président et autorité morale. Sans détour, le bureau a répondu : « Sinon, il serait lui aussi arrêté à l’heure où nous parlons. C’est très faux, faux, monsieur », avant de mettre fin à l’appel.
Une Image Générée par Intelligence artificielle
Pour approfondir notre enquête, nous avons soumis l’image utilisée pour appuyer la publication et les allégations à l’outil Hive Moderation, spécialisé dans la détection de contenus générés par intelligence artificielle. L’analyse a révélé un score de 99,9 % de probabilité que l’image ait été générée artificiellement.
Les dispositions légales y relatives
Les accusations portées à l’encontre de Vital Kamerhe sont particulièrement graves ; certaines relèvent même de la haute trahison. En droit congolais, cette infraction est d’une extrême gravité, en particulier lorsqu’elle concerne une haute autorité de l’État, telle qu’un président de l’Assemblée nationale. Plusieurs textes légaux et constitutionnels encadrent cette situation.
L’article 166 de la Constitution de 2006, révisée, (archivé ici) stipule à ce sujet : « Sans préjudice des dispositions des articles 164 et 165, le Président de la République, le Premier ministre et les membres du gouvernement, les présidents et vice-présidents des deux chambres du Parlement, les membres du Conseil supérieur de la magistrature et les hauts fonctionnaires de l’administration peuvent être poursuivis pour haute trahison, violation intentionnelle de la Constitution, ou faute lourde dans l’exercice de leurs fonctions. »
Dans ce cadre, le président de l’Assemblée nationale peut donc légalement être poursuivi pour haute trahison, à condition que des éléments de preuve suffisants soient réunis. Toutefois, cette procédure ne peut être enclenchée qu’après la levée de son immunité parlementaire. En effet, en tant que député national, Vital Kamerhe bénéficie des dispositions de l’article 107 de la Constitution (archivé ici), qui lui accordent l’immunité parlementaire. Cela signifie qu’il ne peut être poursuivi, arrêté ou jugé sans l’accord de l’Assemblée nationale. Exception faite en cas de flagrant délit, où l’immunité ne protège pas contre une arrestation immédiate.
Or, aucune séance ni session n’a été convoquée à l’Assemblée nationale de la RDC au mois de juillet 2025 concernant une éventuelle levée des immunités de Vital Kamerhe. La dernière séance plénière connue (archivé ici) remonte au 29 mai 2025, présidée par Vital Kamerhe lui-même. Cette séance avait exclusivement pour objet la levée de l’immunité parlementaire de Constant Mutamba, ancien ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Lors de ce vote, 17 députés sur 21 présents s’étaient prononcés en faveur de la levée de l’immunité, 2 contre, et 2 s’étant abstenus. Cette décision avait ouvert la voie à des poursuites judiciaires pour détournement présumé de fonds publics visant l’ancien ministre de la Justice.
Vital Kamerhe à Genève pour une mission officielle en tant que Président de l’assemblée nationale
Pendant ce temps, Vital Kamerhe se trouve officiellement à Genève, en mission officielle dans le cadre de ses fonctions. En effet, il participe activement à la 6ᵉ Conférence mondiale des présidents des Parlements, organisée du 29 au 31 juillet 2025 par l’Union interparlementaire (UIP) et les Nations Unies. Arrivé à Genève ce 28 juillet, Kamerhe y représente officiellement la République démocratique du Congo.
Sa participation à cette conférence se traduit par une série d’interventions concrètes, notamment un discours prévu le 30 juillet, au cours duquel il plaidera pour un engagement renforcé de la communauté parlementaire internationale en faveur de la paix en RDC. Il met en lumière les défis sécuritaires persistants dans l’Est du pays et appelle à une mobilisation collective pour la stabilité et le développement durable.
Par cette présence, Vital Kamerhe réaffirme le rôle du Parlement congolais dans les dynamiques internationales, en adoptant une posture active de diplomatie parlementaire (archivé ici). Enfin, aucune preuve, ni source officielle du gouvernement ne vient corroborer la rumeur d'une saisie ou d’un blocage de quatre maisons appartenant à Vital Kamerhe à Kinshasa. Aucun média crédible, qu’il soit national ou international, n’a relayé une telle information, renforçant ainsi l’hypothèse d’une fausse information délibérément diffusée.
Conclusion
La publication prétendant montrer la scène d’arrestation de vital Kamerhe après un blocage de quatre maisons de celui-ci dans la commune de la Gombe à Kinshasa, avec une présence d’armes ou de munitions à l’intérieur, est fausse et sans fondement. Eleza Fact a procédé à une vérification en contactant le bureau de Vital Kamerhe et en menant des recherches connexes sur les cadres légaux de ce genre d’accusations en RDC. Les résultats ont démontré une incohérence avec les allégations de la publication. Enfin, en soumettant l’image à l’outil Hive Moderation, nous avons découvert qu’elle a été générée par Intelligence artificielle, concluant que ces allégations sont infondées.
Cette vérification met en lumière l’importance de faire preuve de vigilance dans la manière dont nous consommons, interprétons et diffusons les contenus sur les réseaux sociaux, en particulier lorsqu’ils concernent des figures politiques, dans un contexte de tensions sociales, politiques et économiques.