Contexte
La controverse sécuritaire s’intensifie à Uvira, chef-lieu de la province du Sud-Kivu après la prise de Bukavu. Des affrontements opposent actuellement les Wazalendo aux FARDC et à l’AFC/M23. Dans ce climat tendu, la désinformation sur la situation sécuritaire dans cette partie de l’est de la RDC prend de l’ampleur. Dans ce contexte, une information publiée sur Facebook en juillet 2025 a retenu notre attention. Elle présentait deux clichés montrant des cortèges militaires, censés illustrer l’arrivée d’un convoi des FARDC à Uvira.
Eleza Fact, après vérification à l’aide de l’outil Google Lens, a constaté que les images provenaient d’un contexte totalement différent, très éloigné de la RDC et d’Uvira. Elles ont donc été utilisées hors contexte et ne représentent pas un convoi militaire des FARDC arrivant à Uvira.
Origine de la désinformation
La publication a été mise en ligne le 16 juillet 2025 dans le groupe Facebook Radio okapi les infos par l'utilisateur Gedeon Byabula Néon. Elle contient deux photos montrant un convoi militaire. Sur la première image, on aperçoit environ cinq véhicules de marque Toyota transportant des militaires. La deuxième photo montre un gros camion militaire chargé d’un véhicule blindé. La légende qui accompagne ces clichés indique : « Un impressionnant convoi militaire des FARDC aperçu à Uvira ce matin. Qu’est-ce que cela implique ? »
De nombreux internautes ont cru à l'information. L’un d’eux a même commenté : « Kata bango mutu, ba NIANGALAKATA ya ba Rwandais wana ». Traduction libre : « Qu’on les décapite, ces rwandais. ».
Des images prises au Niger en octobre 2023
Pour commencer, nous avons soumis les clichés à l’outil Google Lens afin de rechercher des correspondances et d’établir le contexte exact de leur capture, ces images étant présentées comme prises à Uvira.
La première image provient d’un article de la BBC (décembre 2023, archivé ici) illustrant l’exigence du général Abdourahmane Tchiani de voir les troupes françaises quitter le Niger après le coup d’État de juillet 2023. Cette décision, nourrie par un fort ressentiment populaire et politique contre la France, s’explique aussi par la volonté du régime de diversifier ses alliances vers le Burkina Faso, le Mali ou la Russie, tout en maintenant les bases américaines jugées plus neutres. La légende associée à l’image dans l’article précise : « Les troupes françaises, escortées par les forces nigériennes, se retirent de Niamey, au Niger, le 10 octobre 2023, sur ordre des dirigeants militaires nigériens. »
L’image a aussi été utilisée par Afrique Média dans un article (archivé ici) du 23 décembre 2023 confirmant le retrait des troupes françaises du Niger. Conformément à la demande du régime militaire après le coup d’État de juillet, les 1 500 soldats français ont quitté le pays entre septembre et décembre 2023, Emmanuel Macron justifiant cette décision par le respect de la souveraineté nigérienne.
Pour la deuxième image, la première correspondance nous a directement renvoyés vers un article (archivé ici) de Jeune Afrique, publié le 13 décembre 2023. L’article confirme que tous les soldats français déployés au Niger dans le cadre de la lutte antijihadiste auraient quitté le pays le 22 décembre 2023. Cette décision faisait suite au coup d'État du 26 juillet 2023, après lequel le régime au pouvoir a progressivement rompu les liens militaires avec la France. Le retrait des troupes françaises marquait ainsi la fin de la présence militaire française au Niger, conformément aux exigences du régime . L’image illustre l’article, et sa légende précise : « Un camion militaire des forces de sécurité nigériennes escorte un convoi militaire de l’armée française dans le quartier du Lazaret à Niamey, le 10 octobre 2023. © AFP ».
Cette même image apparaît également dans un article (archivé ici) du média français Head Topics, qui explique qu’après le coup d'État du 26 juillet 2023 au Niger, les partenaires militaires occidentaux, notamment les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, ont maintenu leur présence sur le territoire nigérien. Ces forces, issues de partenariats antérieurs, continuent leurs activités malgré la rupture des accords de défense avec la France, ordonnée par le régime militaire. Cette situation illustre la complexité des relations internationales au Niger post-putsch, où les autorités militaires cherchent à diversifier leurs alliances tout en conservant des partenariats stratégiques avec certains pays occidentaux.
Que retenir des tensions à Uvira depuis début septembre
Les tensions à Uvira, dans le Sud-Kivu, se sont fortement aggravées à la suite de la nomination du général Olivier Gasita Mukunda comme commandant adjoint de la 33ᵉ région militaire. Cette décision a été contestée par les milices Wazalendo et une partie de la société civile, qui accusent le général de collusion avec le M23/AFC. Depuis début septembre, la ville a été paralysée par des journées « ville morte » et des manifestations, parfois violemment réprimées, entraînant décès, blessés et affrontements armés. Cette crise a provoqué un climat de peur et d’instabilité jusqu’au départ du général Gasita le 9 septembre, permettant une reprise progressive, mais fragile des activités.
Cette situation reflète un problème plus large de défiance entre les supplétifs Wazalendo et certains officiers des FARDC, dans un contexte d’insécurité persistante liée aux offensives du M23/AFC. Les populations locales continuent de vivre dans un climat de méfiance et de violences récurrentes, ce qui fragilise la cohésion sociale et l’économie locale.
Conclusion
Grâce à l’outil Google Lens, Eleza Fact a pu découvrir et confirmer que les images montrant des mouvements des troupes ne concernent pas le déploiement des FARDC à Uvira. Elles avaient été utilisées hors contexte : elles ont en réalité été prises au Niger en octobre 2023 et n’ont aucun lien avec une quelconque arrivée de troupes des FARDC à Uvira en juillet 2025.
Cette vérification rappelle l’importance de toujours adopter un esprit critique face aux informations partagées sur les réseaux sociaux, avant d’y croire, de commenter ou de les relayer. En période de crise, les images et contenus trompeurs sont largement répandus sur les plateformes numériques ; il est donc essentiel de rester vigilant.
Édité par Daniel Makeke