Contexte
Le 7 novembre dernier, une incursion attribuée aux miliciens Mobondo a visé la commune de Maluku, à Kinshasa. Grâce à une intervention rapide, les FARDC ont réussi à repousser les assaillants, neutralisant plusieurs d’entre eux, capturant d’autres et récupérant des armes de guerre.
Dans ce climat de tension, plusieurs images ont circulé sur Facebook. Elles montrent des hommes, certains en tenue civile, d’autres en uniforme militaire, tous armés. Ces photos ont été présentées comme des preuves de la présence de miliciens Mobondo à Kinshasa lors de cette incursion.
Cependant, Eleza Fact a soumis ces images à une recherche inversée via Google Lens, qui a révélé des correspondances situées très loin de Kinshasa, la capitale de la RDC, et datant d’au moins 10 ans.
Infox
La page Focus Info a partagé ces images dans une publication au sein du groupe Facebook “ACTUALITÉS DE LA RDC”, qui compte près de 28 000 membres. Dans son post, le média accompagne les photos de la légende suivante : « Quelques images des miliciens Mobondo, qui se seraient repliés dans les forêts de Kingakati après avoir subi la charge de nos vaillants FARDC, à Kinshasa, la semaine dernière ».
Une images prise en République centrafricaine en 2014
Pour vérifier l’origine des photos, nous les avons soumises à l’outil Google Lens. Les résultats obtenus renvoient vers des correspondances en République centrafricaine.
La première image apparaît dans un article (archivé ici) de VOA Afrique, publié le 13 novembre 2014. Cet article documente le blocage de plusieurs axes à Bangui par d’anciens combattants de la Séléka, qui avaient dressé des barricades sur deux grandes avenues pour réclamer une « meilleure prise en charge » de la part du gouvernement de transition. Leur ultimatum ayant expiré, ils avaient paralysé la circulation sans ouvrir le feu. Malgré la présence des casques bleus de la MINUSCA, les ex-Séléka étaient restés positionnés sur les barricades jusque tard dans la journée, tandis que des pourparlers étaient engagés entre leurs représentants et les autorités. La description associée à cette image indique : « Des ex-Séléka de la ville de Lioto ».
Reuters a également utilisé la même image pour illustrer un article (archivé ici)publié en août 2024. Cet article rapporte que des rebelles de la Séléka en Centrafrique ont refusé de rejoindre le nouveau gouvernement d’unité nationale après la nomination de Mahamat Kamoun comme Premier ministre par la présidente de transition Catherine Samba Panza. Les rebelles affirmaient ne pas avoir été consultés et menaçaient de revoir l’accord de cessez-le-feu conclu un mois plus tôt.
Sur son site, Reuters décrit l’image de la manière suivante : « Le général de la Séléka Zakariya Isa Chamchaku patrouille avec d’autres combattants alors qu’ils recherchent des membres des milices chrétiennes anti-Balaka près de la ville de Lioto, le 6 juin 2014. REUTERS/Goran Tomasevic ».

Capture de l'image sur les site de la VOA et Reuters en 2014, prise par Eleza Fact
Une agression révélatrice de la répression contre la presse en RCA
La deuxième image est sur le site de CNC (Corbeau news centrafrique) en illustration d’un article (archivé ici) mis en ligne le 15 décembre 2025; l’article documente l’agression d’ un jeune homme d’une vingtaine d’années le 21 juin 2024 au Tribunal de Grande Instance de Bangui après avoir filmé l’arrivée de deux détenus. Des militaires l'ont accusé d’être un journaliste de Corbeau News, l’ont plaqué au sol, étranglé, passé à tabac et l’ont emmené vers une destination inconnue, tout en confisquant son téléphone. Corbeau News a dénoncé cette attaque comme faisant partie d’une vaste campagne de répression orchestrée par le pouvoir centrafricain et les mercenaires russes de Wagner contre leur média.

Capture de la deuxième image sur CNC, en 2024
République centrafricaine , quinze ans de crise et d’avancées vers la paix
Depuis 2010, la République Centrafricaine connaît une instabilité marquée par la crise majeure de 2013 et la multiplication des groupes armés. Avec le déploiement de la MINUSCA en 2014, des progrès ont été réalisés : plus de 800 combattants ont été désarmés depuis juillet 2025 et des groupes comme les Anti Balaka (aile Ngaïssona) et le MRJ ont réintégré l’Accord de paix, renforçant les efforts de stabilisation.
Malgré ces avancées, plusieurs menaces persistent, notamment dans les zones frontalières où certaines communautés restent ciblées. La criminalité a augmenté de 26 %; les engins explosifs demeurent un danger dans le nord-ouest, et des factions continuent de lutter pour le contrôle des ressources. À l’approche des élections de décembre 2025, le pays progresse vers la paix, mais dans un contexte encore fragile.
Conclusion
Grâce à une recherche inversée via Google Lens, Eleza Fact a pu retracer l’origine exacte de ces images ainsi que leur véritable contexte. Elles n’ont aucun lien avec les miliciens Mobondo à Kinshasa en novembre 2025. Elles ont en réalité été prises en République centrafricaine. Restons donc vigilants dans la consommation et la diffusion des contenus en ligne, car nombreux sont ceux qui sont faux ou sortis de leur contexte.
Edité par Daniel Makeke
