Contexte
La situation économique en République démocratique du Congo demeure chaotique, marquée par l’instabilité persistante du taux de change et la perte de valeur de la monnaie nationale. À Kinshasa, le taux de change du franc congolais connaît une légère appréciation, oscillant actuellement entre 2 700 et 2 850 CDF pour un dollar américain. Une vidéo publiée sur Facebook le 14 août 2025 affirmait que la monnaie congolaise n’était plus appelée « franc congolais ».
Après une enquête minutieuse menée auprès d’experts de la Banque Centrale du Congo (BCC) et une analyse approfondie des billets actuellement en circulation, Eleza Fact a pu établir que les billets congolais n’ont pas changé de nom : ils portent toujours l’appellation « franc congolais ».
Allégation
La vidéo a été mise en ligne par une page Facebook dénommée Majesty Mfaume, suivie par près de 50 000 personnes, le 14 août 2025. On y voit un monsieur vêtu d’une chemise à carreaux déclarer : « Donc la monnaie de la RDC n’est plus les francs congolais. Pourtant, à l’école, on continue d’enseigner que la monnaie de la RDC, c’est le franc congolais. C’est aujourd’hui que je m’en suis rendu compte : je regarde un billet et je vois qu’il est écrit dessus seulement franc. »
La vidéo a créé un véritable tollé, au point que, le 10 septembre 2025 à 12 h 20, elle avait déjà cumulé près de 4 400 mentions J’aime, 640 commentaires et 26 partages.
Cependant, les réactions dans les commentaires restent très partagées : on ressent une véritable dichotomie dans l’appréhension et la compréhension du message. L’un des internautes est même allé jusqu’à écrire : « Toi, je ne sais pas si ta tête est en bon état ou si c’est juste l’envie de faire une vidéo que tu as. C’est écrit franc, oui, mais c’est pour quel pays et quel peuple l’utilise ? C’est pour les Congolais, automatiquement c’est le franc congolais. Et que veux-tu que les écoles fassent ??? ».
Mise en contexte par la Banque Central du Congo
Pour démarrer notre enquête, nous avons contacté via WhatsApp Christophe Ilunga, agent de la Banque Centrale du Congo (BCC) à Kinshasa. Celui-ci a tenu à éclairer l’opinion publique sur la question du prétendu changement de nom des billets congolais : « Au centre du billet, on lit BANQUE CENTRALE DU CONGO. Mais parce qu’à l’endroit où il y avait auparavant FC, on écrit désormais seulement F, certains disent que les billets ont changé de nom. C’est faux. »
En effet, la mention BANQUE CENTRALE DU CONGO prouve que ces billets appartiennent automatiquement à la RDC puisqu’ils sont émis par sa banque centrale. Il n’est donc plus nécessaire de préciser explicitement « franc congolais » à côté du montant.
« Allez voir les billets d’autres pays qui utilisent le franc comme unité monétaire, comme le Rwanda ou le Burundi par exemple : on y écrit simplement le montant et le nom de la banque centrale du pays, et s’arrête là. Dire qu’il faudrait commencer à enseigner aux enfants que les billets congolais ont changé de nom, c’est exagéré, vous ne trouvez pas ? » a-t-il conclu avant de raccrocher.
Un Billet de 50 000 Shillings Ougandais
Billets de 1000, 2000, 5000 et 10 000 francs burundais
Particularité des nouveaux billets de franc congolais
Les nouveaux billets du franc congolais arborent un design moderne qui valorise l’identité nationale. Ils mettent en avant des portraits de figures historiques, politiques et culturelles, tout en intégrant des représentations de la faune, de la flore et des paysages emblématiques du pays, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance et la sensibilisation au patrimoine naturel.
Sur le plan technique, ces billets sont dotés de dispositifs de sécurité avancés, tels que hologrammes, filigranes, micro-impressions et textures en relief, facilitant leur authenticité et leur usage, y compris pour les personnes malvoyantes. Chaque coupure est numérotée individuellement afin d’assurer sa traçabilité.
Fabriqués à partir d’un mélange de coton et de lin, ils sont conçus pour résister à une utilisation intensive dans un contexte difficile. L’introduction du billet de 20 000 francs en 2022 répond à la nécessité de faciliter les transactions de gros montants dans un climat d’inflation, consolidant à la fois la sécurité et la souveraineté monétaire de la RDC.
Controverse juridique autour de la disparition du “C” dans le franc congolais
Le fait que les nouveaux billets du franc congolais portent uniquement la lettre « F » au lieu du sigle complet « FC » (Franc Congolais) a suscité une controverse juridique importante en RDC. Cette modification est perçue comme l’absence du terme « Congolais » sur les billets, ce qui, selon certains experts, pourrait constituer une violation de la Constitution et de la loi sur la Banque Centrale du Congo. En effet, l’article 1er de la Constitution et l’article 61 de la loi de 2018 sur la Banque centrale stipulent que la monnaie nationale doit être clairement désignée comme franc congolais et porter le sigle officiel FC.
L’absence de mention complète sur les billets soulève des inquiétudes quant à leur validité légale, risquant de compliquer le paiement des frais de justice, l’exécution des contrats et la détermination des compétences juridictionnelles. Ce flou juridique fragilise la confiance dans la monnaie nationale et pourrait perturber les transactions économiques et judiciaires. Des experts du monde juridique et économique appellent donc les autorités à clarifier rapidement la situation, notamment en rééditant des billets conformes à la législation afin de prévenir l’insécurité juridique, rassurer le public et renforcer la crédibilité de la Banque Centrale du Congo.
Verdict
Pour conclure, Eleza Fact, après avoir contacté la Banque Centrale du Congo et analysé les billets en circulation, a pu confirmer que les billets congolais sont toujours appelés francs congolais, et ce, malgré le fait qu’ils ne portent parfois que la lettre « F » au lieu du sigle complet « FC », comme l’affirmait la publication.
Cette vérification souligne l’importance de l’esprit critique dans la consommation et la diffusion des déclarations et contenus en ligne, particulièrement en période de crise. Le manque de vigilance critique constitue un terrain fertile pour la désinformation et la propagation de fausses informations, contribuant au désordre dans le traitement de l’information.
Édité par Daniel Makeke